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28 mars 2024

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Giuseppe Dainotti le boss de la mafia sicilienne, Cosa Nostra, a été exécuté à Palerme

GABRIEL MIHAI

Giuseppe Dainotti, 67 ans, a été tué de deux balles dans la tête pendant qu’il roulait à vélo, peu avant 08H00, à une cinquantaine de mètres de l’entrée d’une école.

Ses meurtriers se sont approchés de lui en scooter avant de l’abattre, selon les médias.

«Il est prématuré de faire des hypothèses, mais quand quelqu’un dit que la mafia n’existe plus, il se produit quelque chose pour confirmer que la mafia existe encore», a commenté le procureur de Palerme, Francesco Lo Voi.

«Tuer Dainotti de jour, en plein centre de Palerme un 22 mai, peut avoir diverses significations», a ajouté le magistrat sans préciser ses soupçons.

«L’Etat célébrera demain ses héros tués par la mafia», le juge Falcone, son épouse et les trois policiers de l’escorte, «et aujourd’hui la mafia démontre sa vitalité en recommençant à tuer», a renchéri Marco Letizia, responsable de l’Association nationale des fonctionnaires de police.

Ce meurtre intervient à la veille du 25e anniversaire de l’assassinat du juge Giovanni Falcone, tué le 23 mai 1992 avec son épouse et trois gardes du corps quand Cosa Nostra a fait sauter 600 kg d’explosifs au passage de leurs véhicules, non loin de Palerme.

Giuseppe Dainotti, condamné à la perpétuité pour le meurtre de trois carabiniers en 1983, était resté une vingtaine d’années en prison avant d’être relâché en 2014 pour un vice de procédure.

C’était un proche de Salvatore Cancemi, un ancien chef de clan mafieux qui avait supervisé la pose de l’explosif ayant tué le juge Falcone mais était devenu par la suite un collaborateur de justice.

Giovanni Salvatore Augusto Falcone, né à Palerme le 18 mai 1939 et mort assassiné le 23 mai 1992 à Capaci, était un juge italien engagé dans la lutte antimafia et assassiné par Toto Riina, membre des Corleonesi, eux-mêmes faisant partie de Cosa Nostra.

Giovanni, fils d’une famille de la bourgeoisie palermitaine, fréquentait de futurs criminels comme Tommaso Spadaro. Après de brillantes études de droit à Palerme, il devient magistrat en 1964 et commence sa carrière en tant que magistrat instructeur spécialisé dans les liquidations judiciaires. C’est en dépouillant d’obscurs dossiers financiers qu’il découvrit le monde du grand banditisme qu’est celui de Cosa nostra et qu’il affina ce qu’on appellera plus tard la « méthode Falcone ». Procureur adjoint au tribunal de Trapani, il est transféré en 1978 à Palerme où il devient juge d’instruction.

En 1979, après l’assassinat du juge Cesare Terranova (en), qui avait mené sans succès un procès contre certains dirigeants mafieux dans lequel tous furent acquittés, Falcone rentre alors au sein du « pool » antimafia du parquet de Palerme.

Le juge Rocco Chinnici, un magistrat déterminé et courageux, décida de créer une cellule composée de juges qui seraient spécialisés dans les enquêtes complexes liées à la mafia. Il fut assassiné dans un attentat à la voiture piégée le 29 juillet 1983 aux premières heures de la matinée, en plein centre de Palerme. Ce fut d’ailleurs la première fois que Cosa Nostra utilisait cette méthode pour atteindre un magistrat. Les deux carabiniers chargés de son escorte et le concierge de l’immeuble furent tués eux aussi par Giuseppe Dainotti. Le juge Rocco Chinnici fut remplacé par le juge Antonino Caponnetto qui poursuivit ce que son homologue avait démarré et constitua formellement le « pool antimafia » qui devint rapidement extrêmement efficace.

Le « pool » obtient un succès important et inespéré en 1984 en recueillant le témoignage de l’un des plus importants repentis de Cosa nostra, Tommaso Buscetta dit « Don Masino » ou « le boss des deux mondes ». Sur la base de son témoignage, Giovanni Falcone ouvre en 1986 le « maxi-procès » de Palerme dont il est l’instigateur avec son ami le juge Paolo Borsellino (qui sera également assassiné, quelques mois après Falcone). Le procès doit faire comparaître 475 accusés (la majorité présents mais 119 en cavale) dont le « parrain des parrains », Toto Riina, si bien que, la cour pénale de Palerme n’étant pas assez grande, il est créé ce qui fut appelé une « aula-bunker » (salle d’audience-bunker).

Le 16 décembre 1987 restera comme la date de la fin du Maxi-Procès et formalise l’existence de l’association de malfaiteurs de type mafieux en Italie. À l’issue du procès, on compte :

474 accusés (le mafieux Nino Salvo, déjà gravement malade, est décédé avant le jugement) ;
360 condamnations, dont 19 peines à perpétuité ;
114 acquittements ;
2665 années de prison cumulées par les condamnés.
Falcone demande des moyens supplémentaires pour poursuivre la lutte anti-mafia mais les décisions se font attendre. En janvier 1988, le Conseil supérieur de la magistrature nomme Antonino Meli chef du bureau d’instruction au tribunal de Palerme.

Il est farouchement opposé au « pool antimafia » créé en 1983 par le juge Antonino Caponnetto (it) et est un adversaire de Falcone que Caponnetto avait désigné comme son successeur. Le 30 juillet 1988, le juge expédie au Conseil supérieur de la magistrature une lettre de quatre pages dans laquelle il se dit écœuré par le laxisme de la police et des pouvoirs politiques et demande sa mutation dans une autre région, comme huit autres de ses collègues. Giovanni Falcone devient un héros et un symbole célébré partout en Italie, malgré le fait que certains personnages de la classe politique de l’époque cherchent à le discréditer depuis 1989 et la triste « stagione dei veleni » (« période des venins », lorsque certains affirmèrent que Giovanni Falcone avait organisé lui-même un attentat contre sa personne pour se faire de la publicité). Il devient également l’ennemi numéro 1 de Cosa nostra qui fait de lui sa cible principale. Sous la forte menace d’attentat, et délaissé par une partie de la classe politique, Falcone est contraint de vivre 24 heures sur 24 accompagné d’une escorte importante. Lors du « maxi-procès », ce ne sont pas moins de 70 hommes qui sont chargés d’assurer sa sécurité. Il en choisit huit chaque jour, qu’il désigne au dernier moment.

Le dispositif d’escorte n’est pas suffisant pour protéger Giovanni Falcone, et le 23 mai 1992, il est assassiné par la Cosa nostra dans ce qu’on appelle le « massacre de Capaci ». Les membres de Cosa Nostra placent dans un tunnel d’évacuation des eaux situé sous l’autoroute reliant l’aéroport de Punta Raisi à Palerme 600 kilos d’explosifs destinés à piéger Giovanni Falcone.

Le juge, se trouvant dans la voiture du milieu d’un cortège de trois Fiat Croma blindées, meurt avec sa femme Francesca Morvillo, elle-même juge, ainsi que les trois gardes du corps du premier véhicule, Vito Schifani, Rocco Di Cillo et Antonio Montinaro. Cet attentat est une réponse à la volonté de Giovanni Falcone de vouloir mettre sur pied une brigade antimafia (une sorte de F.B.I italien). L’assassinat du juge, commandité par Toto Riina, est déclenché par une télécommande actionnée par Giovanni Brusca, sous le signal de Gioacchino La Barbera.

Giovanni Falcone repose désormais au cimetière de Sant’Orsola à Palerme. De nombreuses écoles et un grand nombre de bâtiments publics portent aujourd’hui son nom, parmi lesquels l’aéroport international de Palerme connu sous le nom d’Aéroport Falcone-Borsellino. La promotion 1994 de l’École nationale de la magistrature française a pris le nom « Juge Falcone » comme nom de baptême de promotion. Dans le même élan, la promotion 1996-1998 de la section magistrature de l’École nationale d’administration et de magistrature du Cameroun (ENAM) s’est donnée pour nom de baptême « Giovanni Falcone ».

«L’Etat célébrera demain ses héros tués par la mafia», le juge Falcone, son épouse et les trois policiers de l’escorte, «et aujourd’hui la mafia démontre sa vitalité en recommençant à tuer», a renchéri Marco Letizia, responsable de l’Association nationale des fonctionnaires de police.

 

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