Après une année de formation et leurs victoires dans chacun des territoires, les 12 candidats des Outre-mer, se sont unis à Paris pendant l’académie Voix des Outre-mer, ultime préparation avant la grande finale.
Ce concours s’inscrit dans une volonté d’accès à la culture pour tous. Il lutte contre les discriminations dans le milieu de la musique et particulièrement celui de l’opéra. Il n’impose pas de limite d’âge et est entièrement gratuit. Il a pour vocation première de préparer les candidats dans une voie de professionnalisation.
Fondée en 2018 par le contre-ténor martiniquais Fabrice di Falco et l’association Les Contres Courants, cette compétition vocale pas comme les autres vise à découvrir et former de nouveaux talents originaires des territoires ultramarins tout en créant des passerelles entre les cultures d’Outre-mer et l’univers de l’opéra. Les douze finalistes de la 7e édition en témoignent. Interrogés par les présentateurs de la soirée, Laurence Roustandjee et Fabrice di Falco, ils parlent du «lyrique» comme d’un eldorado, un pays de cocagne qui leur semblait interdit en raison de leurs origines et qu’ils découvrent émerveillés.
Le concours est structuré en plusieurs étapes dont la finale nationale, organisée à l’Opéra Bastille, ne forme que la partie émergée de l’iceberg. Avant cette ultime épreuve, se sont déroulés des sélections régionales et des masterclasses destinées à accompagner ces jeunes voix qui n’ont souvent pas eu la chance de disposer d’une formation à la mesure de leur talent. La Guadeloupe, la Martinique, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, entre autres, ne disposent pas de conservatoire de musique.
Les grandes voix des anges d’Outre-mer aux JO
Axelle Saint-Cirel, grand Prix Voix des Outre-mer 2023, a chanté La Marseillaise sur le toit du Grand Palais lors de la Cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024, le 26 juillet. L’interprétation d’Axelle, drapée dans une robe aux couleurs du drapeau national, reste un souvenir marquant de cette soirée exceptionnelle. La mezzo-soprano guadeloupéenne était présente lors de cette finale.
La soprano Luan Pommier, Prix coup de cœur du jury lors de la deuxième édition du concours Voix des Outre-mer en 2020, a participé à la Cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques, en interprétant l’hymne des jeux. La jeune Guadeloupéenne a également interprété I will survive au pied de l’Arc de Triomphe, lors de la Grande Parade Paris 2024, le 14 septembre 2024.
Mais avant même l’ouverture de cette soirée, et tout du long en particulier au son des airs lyriques mélancoliques ou intensément éplorés choisis par certains candidats, l’heure est aussi à la tristesse et à la solidarité pour les habitants de Mayotte frappés par le terrible Cyclone Chido.
Les présentateurs de la soirée, Laurence Roustandjee et Fabrice di Falco qui a tenu à être présent avec le soutien de béquilles pour ses déplacements et qui chantera également la tendre mélancolie de la Barcarolle des Contes d’Hoffmann dans le tutti final) portent d’ailleurs en hommage au revers de leur veste une fleur d’ylang-ylang.
Cinq prix ont été décernés, avec comme nouveauté, cette année, un prix du public
C’est au bout d’une finale riche en découvertes et en émotions, qui a réuni 12 finalistes issus des Outre-mer et de l’Hexagone, que le jury présidé par Richard Martet, rédacteur en chef d’Opéra magazine et critique d’art lyrique, a décerné :
- Le Prix Voix des Outre-mer à Laetitia Volcey (La Réunion)
- Le Prix Jeune Talent à Orleonne Divo Prince (La Réunion)
- Le Prix encouragements Jeune Talent à Helena Lopez (Mayotte)
- Le Prix du public à Mytsuru Kato (Polynésie française)
- Le Prix encouragements Voix des Outre-mer à Livio Heafala (Nouvelle-Calédonie)
La triomphatrice de cette soirée 2025, remportant Le Prix Voix des Outre-mer remis par la Ministre de la Culture, tout sourire, Rachida Dati, est bien entendu Laetitia Volcey, originaire de La Réunion. Elle est professeure de chant lyrique. L’enjeu, comme elle l’annonce également, est toutefois important car il s’agit de montrer qu’elle sait mettre en pratique ce qu’elle prêche à ses élèves. Elle y parvient dans les grandes largeurs et sommets du répertoire lyrique, choisissant en effet d’interpréter du Wagner “Dich, teure Halle” qu’une certaine Marie-Laure Garnier chanta en 2021, devenant Révélation artiste lyrique aux Victoires de la Musique Classique. Laetitia Volcey offre ainsi une voix intensément lyrique, vibrionnante même quand le volume manque quelque peu. Les phrasés s’allongent vers une douceur finale, par une justesse constante avec un appui des consonnes renforçant l’expressivité de ses crescendi, le tout en plein accord avec l’esprit et la lettre du morceau qu’elle sait en effet visiblement bien faire travailler, à elle-même en premier lieu.
Des encouragements sont aussi décernés dans la catégorie « jeunes talents » à la soprano mahoraise Helena Lopez, un « diamant brut » selon la formule consacrée, à l’exemple des autres finalistes dont le potentiel ne saurait masquer la marge de progrès s’ils veulent entreprendre une carrière lyrique. Entrée récemment au conservatoire de Limoges, qui chante Lascia ch’io pianga, d’autant plus difficile qu’il demande une série de tenues pouvant sembler droites. La jeune chanteuse les tient ainsi et même lorsqu’elle finit à bout de souffle, elle en fait un outil d’expressivité. La voix est sinon bien accrochée (mais serre et bouge un peu, avant de perdre en justesse dans les voyages mélodiques).
L’âge n’est pas un paramètre à prendre en compte dans cette ascension des marches de l’opéra. Le Prix Jeune Talent est décerné à Orleonne Divo Prince de La Réunion qui place d’emblée une voix lyrique intense sur le Summertime de Porgy and Bess. A seulement quinze ans, reçoit le prix « jeune talent ». L’interprétation délaisse certes toute la chaleur soul du morceau mais pour une version en altitudes opératiques : l’aigu rayonne et à peine tendu s’épanouit rapidement, le phrasé est très cadencé et surtout la jeune artiste contrôle déjà mezza voce et messa di voce (mi-voix et conduite de voix variée en intensité). Il suffit à la jeune soprano, invitée de l’émission Prodiges en décembre dernier d’un « Summertime » déjà lyrique, déjà contrôlé tant en émission qu’en intensité pour convaincre de son potentiel.
Le Jury 2025
- Richard Martet, rédacteur en chef d’Opéra magazine et critique d’art lyrique, président du Jury
- Angélique Boudeville, chanteuse lyrique
- Valérie Chevalier, directrice de l’Opéra orchestre national de Montpellier
- Sabine Devieilhe, chanteuse lyrique
- Jérôme Gay, président Génération Opéra
- Frédérique Gerbelle, directrice de Céleste Productions et des Grandes Voix
- Alain Lanceron, directeur de Warner classique et Erato France
- Julien Leleu, président Association Les Contres Courants
- Myriam Mazouzi, directrice de l’Académie de l’opéra de Paris
- Alexander Neef, directeur Opéra National de Paris
- Sonia Rolland, actrice et réalisatrice
- Eric-Emmanuel Schmitt, écrivain • Claudia Tagbo, humoriste et actrice
- Jean-Philippe Thiellay, président Centre national de la musique
- Marc Voinchet, directeur France Musique
- Zahia Ziouani, cheffe d’orchestre.
Fabrice di Falco, soprano et contre-ténor martiniquais, a imaginé et organisé ce concours avec l’appui de l’association Les Contres Courants présidée par Julien Leleu. L’objectif est de détecter, accompagner et donner une vraie visibilité aux talents des Outre-Mer de demain.
Au-delà du concours, la promotion de l’art lyrique dans les Outre-mer se réalise à travers différents projets de concerts et de collaborations artistiques. Durant la délibération du jury, quelques extraits de Porgy and Bess, interprétés par une troupe de chanteurs métropolitains et ultramarins, donnent en avant-première un aperçu d’un spectacle qui sera présenté au Festival d’Avignon l’été prochain – et à Paris au Théâtre des Champs-Elysées en juin 2026.
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