Escorté par des motards, le cercueil de «Mama Winnie», recouvert du drapeau sud-africain, a quitté samedi matin son domicile de Soweto.
Des dizaines de milliers de personnes ont rendu un dernier hommage samedi, dans le ghetto sud-africain de Soweto, à Winnie Madikizela-Mandela, l’égérie populaire, mais controversée de la lutte contre l’apartheid.
Cette cérémonie conclut dix jours de deuil national décrétés en souvenir de celle qu’on surnommait le «roc», «la Mère de la nation», la «libératrice» ou l’«héroïne», décédée le 2 avril à 81 ans des suites d’une longue maladie.
La banlieue pauvre de Johannesburg à laquelle elle est restée fidèle toute sa vie. Arrivée au stade d’Orlando, à quelques kilomètres de là, la dépouille a été saluée par quelque 20 000 personnes en deuil qui, le poing levé, ont entonné à pleins poumons une chanson de la lutte «Il n’y a personne comme Winnie Mandela».
Zenani Mandela-Dlamini a profité de son discours pour s’en prendre violemment à ceux qui ont « diabolisé » l’image de sa mère, elle qui a combattu et « triomphé » de « l’un des régimes les plus puissants et cruels du siècle dernier ».
« C’est ma mère qui a gardé vivante la mémoire de mon père » Nelson Mandela pendant ses 27 années de détention avant qu’il ne devienne président en 1994, a rappelé sa fille aînée, Zenani Mandela-Dlamini, entre les « Viva Winnie, Viva » de la foule.
C’est elle qui « a gardé son nom sur les lèvres des gens, qui a gardé sa mémoire dans le coeur de gens », a-t-elle ajouté, devant le cercueil drapé des couleurs de l’Afrique du Sud et posé au centre du stade.
« Pourquoi ne pas avoir fait de même pour ses homologues masculins et rappeler au monde les nombreux crimes qu’ils ont commis avant d’être appelés saints », a-t-elle dénoncé, regrettant la différence de traitement entre hommes et femmes.
Winnie Mandela a été mise en cause dans les exactions commises par sa garde rapprochée, le « Mandela United Football Club », qui a fait régner la terreur à Soweto à la fin des années 80.
«Mama s’est battue pour notre liberté. C’est essentiel de lui rendre hommage», a expliqué à l’AFP Mufunwa Muhadi, 31 ans, vêtue de noir et d’une coiffe colorée, la tenue choisie par de nombreuses Sud-Africaines pour rendre hommage à «Winnie». «Elle était un de nos meilleurs soldats. Elle s’est battue du début à la fin. Pars en paix Maman. Tu as joué ton rôle», a salué un autre spectateur en deuil, Brian Magqaza, 53 ans.
Plusieurs dirigeants étrangers, dont les chefs d’État congolais Denis Sassou Nguesso et namibien Hage Geingob, étaient attendus à la cérémonie, où le président sud-africain Cyril Ramaphosa devait prononcer l’éloge funèbre. Des personnalités comme Jesse Jackson, militant emblématique des droits civiques aux Etats-Unis, ont eux aussi assisté aux obsèques. «Elle n’a jamais cessé de se battre», avait salué vendredi le pasteur, âgé de 76 ans.
Elle a été condamnée en appel à deux ans de prison avec sursis et une amende pour l’enlèvement en 1988 de quatre jeunes hommes, dont l’un, Stompei Seipei, est ensuite décédé.
Près d’un quart de siècle après la fin officielle de l’apartheid en 1994, les motivations de ce groupe restent toujours mystérieuses. Selon un ancien policier repenti, le régime blanc l’avait infiltré.
« Rempart » contre l’apartheid, Winnie Mandela a « montré le chemin dans les périodes les plus difficiles », a pour sa part salué le président sud-africain Cyril Ramaphosa lors d’une cérémonie à forte connotation politique.
« Alors que nous lui disons adieu, nous devons reconnaître que trop souvent (…) nous n’étions pas à ses côtés », a-t-il concédé. « Je suis désolé Mama que ton organisation (le Congrès national africain, ANC, au pouvoir) ait tardé à t’honorer comme il se doit. »
Pendant les vingt-sept années de détention de Nelson Mandela, Winnie Madikizela Mandela a entretenu la flamme de la résistance à l’apartheid, malgré les tortures, la solitude, les humiliations et les séjours en prison.
Dans une veine similaire, Julius Malema, le chef du parti de la gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF), très proche de Winnie Mandela, a dénoncé ceux qui l’ont trahie et la pleurent aujourd’hui.
Elle est restée « révolutionnaire » jusqu’à sa mort, « elle ne s’est jamais fait acheter », a lancé Julius Malema entre de nombreux chants de lutte entonnés par le stade.
Dans les tribunes, les admirateurs de « Mama Winnie » étaient venus célébrer son héritage.
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