A l’approche de la biennale de Grenoble, nous avons rencontré son maire Eric Piolle.
Eric Piolle est depuis 2014 maire de Grenoble, ville située au pied des montagnes entre le Drac et l’Isère. Cette localité doit sa notoriété à ses universités, ses centres de recherches, ses musées, ses parcs et jardins mais aussi aux sports d’hiver et ses téléphériques sphériques appelés « les bulles » qui relient la ville au sommet de la colline de La Bastille.
Cet ingénieur diplômé de l’INPG, né à Pau en 1973, est le co-fondateur depuis 2001 de Raise Parners, une société spécialisée en gestion de risques financiers. La même année, il avait rejoint le groupe informatique Hewlett-Packard où il devint directeur des services logistiques de la chaîne pour la zone Europe, Afrique et Moyen-Orient). Opposé au plan de délocalisation, il est licencié en 2011; il fut aussi intervenant au sein d’une SCOP (Société Coopérative et Participative) auprès d’entreprises sur des projets industriels et sur des formations académiques.
C’est au lycée, que germent ses idées politiques. A cette époque, il devient membre d’Amnisty International et s’engage dans le soutien scolaire auprès d’enfants défavorisés, ce qui l’amènera à fonder en 2005, à Grenoble, un collectif de soutien aux enfants de familles sans-papiers adossé au Réseau Éducation Sans Frontières.
Eric Piolle fait ses débuts politiques en 1997, alors qu’il n’a que 24 ans en étant candidat « Divers Gauche » aux législatives de la 8ème circonscription de l’Isère puis comme suppléant dans la 1ère circonscription de l’Isère aux législatives de 2002. Membre EELV depuis 2009, il est élu conseiller régional écologiste en 2010 et préside jusqu’en 2013, l’un des groupes les plus importants de France avec 37 élus.
En tant que co-fondateur du Collectif » Roosevelt 2012 « , aux côtés d’Edgar Morin, Stéphane Hessel, Pierre Larouturou, Dominique Méda, Susan George, Gaël Giraud, etc, il favorise les valeurs humanistes et la transformation sociale et écologique de l’économie (réforme de la finance, création d’emplois par la réduction du temps de travail et la lutte contre le dérèglement climatique). Il se présente aux législatives de 2012 puis aux municipales de 2014 en tant que tête de liste de « Grenoble, une Ville pour Tous », candidature soutenue par le Rassemblement de Gauche. Avec 40% des suffrages au second tour, il devient le premier maire écologiste à remporter une élection dans une ville de plus de 160 000 habitants. L’écologie est son principal cheval de bataille et s’applique dans tous les domaines (solidarité, sécurité publique, sport, énergie et budget).
Depuis le 24 janvier, Grenoble postule pour devenir « Capitale verte de l’Europe », titre attribué chaque année et institué en mai 2008 par l’Union Européenne et un jury d’experts à la ville (+ 100 000 habitants) qui aura rempli des objectifs « ambitieux » en matière d’environnement, de développement durable et pouvant agir comme « modèle » pour d’autres villes. Grenoble espère devenir la vitrine de l’Europe et succéder à Oslo en se classant la meilleure sur la base des 12 indicateurs cumulatifs (contribution locale à la lutte contre le changement climatique planétaire, transports, espaces verts urbains, bruit, production et gestion des déchets, nature et biodiversité, air, consommation d’eau, traitement des eaux usées, éco-innovation et l’emploi durable, gestion de l’environnement par les pouvoirs locaux et performance énergétique). Pour cela, la ville peut mettre en avant sa réussite pour 2018: en février (Label Ville Active et Sportive 2017; Label 5 @ ville internet), en mai (« Le Musée sort de ses murs ») et en novembre (Trophée de la Participation pour son Certificat d’Action Citoyenne; « Palme d’Or des Cantines Bio », Prix Cantine rebelle; 1ère place des villes où il fait bon vivre et se loger; 3ème au palmarès 2018 des villes de France les plus attractives pour le business). Cette candidature est liée aux transitions climatiques et écologiques qui touchent la région puisque les Alpes sont 2 fois plus touchées par le changement climatique que le reste de l’Europe c’est pourquoi la ville propose aux habitants des dispositifs pour changer leurs modes de vie (mobilité, alimentation, école, espaces publics, énergie…).
Bien que Grenoble reste la ville française où la taxe foncière est la plus élevée, elle est l’une des rares à ne pas avoir augmenté les impôts locaux et a créé un abattement sur la taxe d’habitation pour les personnes handicapées avec de faibles revenus. De plus, des tarifications solidaires (transports en commun; Métrovélo; périscolaire; cantine scolaire; eau; électricité; piscines; téléphérique de la Bastille; encadrement des loyers) et d’avantage de gratuités (culture; stationnement pour handicapés..) ont été créées. Un plan d’action a été élaboré pour l’accès aux droits et contre le non-recours avec la mise en place d’une équipe juridique mobile, depuis 2016 des médiateurs pairs en santé (prévention, accès aux droits et aux soins) sont mis à disposition des habitants.
Terre d’accueil depuis le 19ème siècle pour les étrangers, particulièrement les italiens, la ville a ouvert depuis 2015, une plateforme de coordination pour recueillir des propositions d’accueil et d’aide de volontaires. Par ailleurs, 13 appartements (anciens logements de fonction d’instituteurs) ont été mis à la disposition de familles à la rue; cela s’ajoute au dispositif d’hébergement créé en 2014 proposant 130 places; l’égalité femmes-hommes est mise en avant avec la lutte contre les stéréotypes.
Dans sa lutte contre la pollution, la ville propose une zone à circulation restreinte dans le centre avec interdiction de circuler pour les véhicules les plus polluants et d’ici 2025, la disparition progressive des véhicules diesel, des aides financières sont proposées pour changer les véhicules. Pour les particuliers, une prime »air-bois » est instaurée, et une voie d’expérimentation pour les véhicules de covoiturage est à envisager sur l’autoroute. Des pistes cyclables (4 axes sur 40 km au total) seront construites d’ci 2021; le parc vélo doit atteindre 7 000 Métrovélos en location et 12 000 places de stationnements dont 2 000 à la gare (plus grand parc à vélos de France). Notons que Grenoble a été la seconde ville de France pour les déplacements domicile-travail à vélo. A cela, il faut ajouter 3 lignes de tram d’ici 2023, le développement de l’autopartage et la construction d’un téléphérique urbain.
La nature est au coeur des transitions grenobloises, c’est ainsi que la transformation d’un centre horticole en un centre de production agricole et alimentaire a été possible et qu’une ferme urbaine 100% bio s’est installée sur 1,4 ha. A cela s’ajoutent les jardins partagés, les vergers, la végétalisation…) Une esplanade végétalisée et un parc de 1 km vont être créés tout comme un éco-quartier avec la construction d’un immeuble de 9 étages en terre et en bois.
Une monnaie locale, le Cairn, utilisable pour certains services publics est disponible pour + 1 600 utilisateurs et 220 professionnels.
L’Energie verte et la réduction des dépenses énergétiques comportent 4 toitures d’écoles en panneaux photovoltaiques et la modernisation de l’éclairage public avec 4,5 millions d’euros investis mais aussi le renouvellement des véhicules les plus anciens par des véhicules électriques.
La rénovation urbaine se fera avec la rénovation de 1 100 logements sociaux et 350 privés pour un investissement de 190 millions d’euros.
La jeunesse est l’avenir, c’est pourquoi elle est devenue depuis 2015 le premier budget de la ville avec 65 millions d’euros parmi lesquels 3,5 millions sont consacrés aux cantines avec un menu à 0,77 cts pour les revenus les plus bas à 50% de produits bio et locaux.
Pour la seconde fois, la biennale des villes en transition se tient à Grenoble qui cette année a pour marraines et parrains, Cyril Dion et Emily Loizeau, Pablo Servigne et Doussou Kaita. Pendant 8 jours, du 9 au 16 mars, plus de 150 animations et une quinzaine d’expos seront au programme autour du bien-être, la mode, la gastronomie et vivre ensemble. C’est aussi la possibilité de débats, ateliers, mises en situation, expositions, spectacles , conférences et rencontres avec des scientifiques, artistes, acteurs économiques, citoyens engagés et décideurs qui donnent à Grenoble un temps d’avance. Afin de témoigner des actions en faveur d’un changement favorable du à des initiatives liées à la transition, des maires de grandes villes du monde seront à Grenoble. Parmi eux Marcos Woortmann, maire d’un arrondissement de Brasilia (Brésil); Colin Cook, maire d’Oxford (GB) et Georg Willi, maire écologiste d’Insbruck (Autriche).
Bien que la biennale se déroule dans pratiquement toute la ville ( espaces publics, cafés, locaux administratifs, équipements culturels…), c’est surtout le Palais des Transitions au Palais des Sports de Grenoble (débats, expositions, village des transitions, librairie, restauration) et le « Point Biennale Info » qu’il faudra visiter.
Pour Eric Piolle, la biennale des villes en transition est avant tout:
– Partager, bouger ensemble pour tous les acteur du territoire, entretenir l’écosystème
-20 villes d’Amérique du Nord et du Sud,d’Asie et d’Afrique, qui viennent pour s’inspirer et inspirer
-Faire de cet événement populaire, un rendez-vous majoritairement populaire, environnemental et de justice sociale concernant tout le monde, une lutte contre l’inégalité dans la mobilité, l’hébergement et l’alimentation.
Le maire de Grenoble profitera de cette biennale pour faire passer le message de sa lutte contre ceux qui ne respectent pas les accords de Paris, tout comme il l’a fait lors de son intervention à la conférence « Justice4Climate » qui s’est tenue le 20 février dernier à Paris en présence d’Anne Hidalgo, présidente du C 40, demandant la condamnation du groupe Total qui à lui seul émet 2/3 des émissions carbone en France.
More Stories
Fini la comédie ! Confidences à Dalida
Des jambons au cœur d’une querelle de clocher !
Paris rend hommage aux victimes du 13-Novembre, neuf ans après