Lorsque le romancier, poète et dramaturge Nikolaï GOGOL né en Ukraine en 1809 (et mort à Moscou en 1852), arrive à Pétersbourg il découvre une ville gigantesque construite par le tsar Pierre le Grand qui s’est beaucoup inspiré des modèles européens. La construction de cette ville, située sur des marécages, génère misère et taudis, tandis qu’une pauvreté accrue apparaît aux portes de la ville. Les travers de ce vaste projet architectural suscitent chez GOGOL, observateur et analyste de son temps, la réflexion suivante : comment se construit-on dans une ville « trop grande » ?
Si le OFF d’Avignon fait souvent la part belle aux pièces de GOGOL, notamment la célèbre nouvelle :« Le journal d’un fou », le grand public connaît moins « Le Nez » présenté cette année par la compagnie La voix des plumes. Cette compagnie, familière de cet auteur russe, a déjà réalisé au cours des saisons 2014 et 2015, 150 représentations de la pièce emblématique de GOGOL : « Le Révizor ».
« Le Nez » issu du recueil intitulé « Récits de Pétersbourg » est une farce en forme de satire : Kovalev se réveille et constate que son nez a disparu ; le voilà plongé dans l’angoisse : comment va-t-il faire pour travailler, mener une vie sociale, affronter le quotidien, séduire sa fiancée ? Qui plus est, son nez n’en fait qu’à sa tête, puisque tel un électron libre, il répand des idées révolutionnaires dans la bonne ville de Pétersbourg…
Cette fable souvent présentée comme un conte à l’adresse des enfants, n’est pas sans rappeler la facétie de Molière ainsi que l’esprit critique des Fables de La Fontaine. Si à travers cette pièce, ce sont les codes de la comédie classique qui émergent partout en Europe, on ne peut également s’empêcher de penser à Cyrano de Bergerac. En effet, si ces deux pièces diffèrent en de nombreux points, le protagoniste, lui, est identique…
Interviewé à la suite d’une des premières représentations, Ronan RIVIERE, metteur en scène et comédien s’exprime sur son travail. En premier lieu, celui-ci revendique « l’esprit troupe » qui préside à chacun de ses spectacles et bien entendu à ce 4ème opus monté avec la même compagnie, « une équipe soudée avant tout. J’aime à partager un coup de cœur littéraire de telle sorte à en extraire un objet visuel, un univers dans lequel les comédiens n’ont plus qu’à jouer ». Pour lui, la mise en scène s’apparente un peu à un opéra. « Le corollaire de ce type de projet » poursuit-il « c’est qu’il nécessite un budget financier conséquent en amont, ce qui peut constituer un risque financier ».
Au sujet de la mise en scène, Ronan RIVIERE qui travaille avec un scénographe, s’est inspiré des tableaux de paysans de cette époque. La mise en scène très travaillée prend le parti-pris d’un décor qui évoque la
Venise russe et dont la patine et l’érosion symbolisent tout à la fois le vernis craquelant de la haute société ainsi que l’usure des moujiks. Quant à l’ingénieux metteur en scène, il n’est pas en reste, puisqu’il n’hésite pas à exhiber, sur scène, ses gambettes dans un esprit « simple et brutal en même temps ».
A propos du talentueux Michael GIORNO-COHEN qui capte véritablement la lumière en incarnant (au sens littéral du terme !) le barbier, le metteur en scène ne tarit pas d’éloges : « Il est super généreux ». Saluant sa puissance de jeu, il souligne sa « capacité à aller à des endroits qui sont forts ».
Satisfecit spécial également, à son épouse sur scène, la très talentueuse Prascovia (AmélieVIGNEAUX) aux mimiques si parlantes…
Le Festival de théâtre d’Avignon s’achève, mais si vous souhaitez parfaire votre connaissance du travail passionné et rigoureux de cette compagnie, vous pourrez prolonger les agapes estivales (cette pièce est présentée quotidiennement au OFF du 7 au 30 juillet inclus au Théâtre Les Gémeaux à 19h30), en retrouvant cette même troupe dans un autre projet, cher au cœur de son metteur en scène, à savoir « LA FOIRE DE MADRID » de Lope de Vega, un des plus grands auteurs du siècle d’or espagnol, inspirateur de Molière (du 8 au 25/09 le jeudi et le vendredi à 21h, le samedi à 16h30 et à 21h ainsi que le dimanche à 16h30 à la Cartoucherie – Paris 12ème).
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