GABRIEL MIHAI
Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées en France, a annoncé mercredi matin sa démission dans un communiqué. Il s’était plaint en des termes peu amènes, peu avant la fête du 14 Juillet, des coupes dans le budget du ministère de la défense.
Il avait ensuite été sèchement recadré par le président Emmanuel Macron, reprochant au haut gradé ses critiques sur le budget. Les deux hommes ont eu un entretien ensemble lundi à l’Elysée. Selon une source militaire, Pierre de Villiers a aussi été reçu par Emmanuel Macron avant le conseil de défense qui a eu lieu ce mercredi matin à l’Elysée et lui a annoncé sa démission.
Le général de Villiers explique qu’il considère «ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel (il) croit pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays» et avoir «pris ses responsabilités» en présentant sa démission au chef de l’Etat, qui l’a acceptée.
Selon la chaîne France 2, c’est la première fois qu’un chef d’état-major des armées présente sa démission sous la Ve République.
Pierre de Villiers avait exprimé la semaine dernière de fortes réserves, en termes crus mais dans le huis clos d’une audition à l’Assemblée nationale, à propos des économies imposées par le gouvernement. La coupe pour les armées s’élève à 850 millions d’euros pour 2017, alors même que Pierre de Villiers plaide de longue date pour une hausse de son budget afin d’atteindre un objectif de 2% du Produit intérieur brut (PIB).
«J’ai toujours veillé, depuis ma nomination, à maintenir un modèle d?armée qui garantisse la cohérence entre les menaces qui pèsent sur la France et sur l’Europe, les missions de nos armées qui ne cessent d’augmenter et les moyens capacitaires et budgétaires nécessaires pour les remplir», s’est justifié le chef d’état-major sortant dans son communiqué.
«Dans le plus strict respect de la loyauté, qui n?a jamais cessé d?être le fondement de ma relation avec l?autorité politique et la représentation nationale, j?ai estimé qu?il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à plusieurs reprises, à huis clos, en toute transparence et vérité», a-t-il poursuivi.
Passe d’armes
Le débat a viré à la passe d’armes le 12 juillet dernier lorsque Pierre de Villiers a déclaré devant les députés, réuni en commission de la défense, qu’il ne se laisserait pas «b… comme ça».
M. Macron avait balayé les critiques dès le lendemain, dans un discours prononcé devant toute la hiérarchie militaire, en jugeant dans une allusion transparente qu’il n’était «digne d’étaler des débats sur la place publique».
«J’ai pris des engagements, je suis votre chef. Les engagements que je prends devant les concitoyens, devant les armées, je sais les tenir et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression, de nul commentaire», avait poursuivi le président en haussant le ton.
Paradoxalement, le général de Villiers, 60 ans, avait été nommé en 2014 dans un contexte de rigueur budgétaire. Sa principale mission était alors de mettre en oeuvre une loi de programmation militaire pluriannuelle (LPM) prévoyant 34’000 suppressions de postes.
Le haut gradé n’a pourtant cessé au cours des années suivantes de plaider pour la sanctuarisation du budget, relevé après les attentats de 2015, à l’heure où la France est engagée tous azimuts contre le terrorisme, du Sahel (Barkhane) au Moyen-Orient (Chammal) en passant par le territoire national (opération Sentinelle).
Le général est sorti du bois à intervalles réguliers dans des tribunes ou des entretiens à la presse, déclarant que «l’armée était au taquet», «serrait les dents», et «ne pouvait plus faire mieux avec moins». Sa dernière tribune vendredi dans le journal Le Figaro appelait encore à «préserver l’indispensable cohérence entre les menaces, les missions et les moyens».
Le nouveau chef d’état-major des armées, François Lecointre est né à Cherbourg en 1962. Ce général de corps d’armée était depuis septembre chef du cabinet militaire du Premier ministre et notamment de l’ancien député-maire de Cherbourg Bernard Cazeneuve.
Il devient chef d’état-major des armées après la démission de Pierre de Villiers annoncée ce mercredi. François Lecointre est né à Cherbourg le 6 février 1962. Il est marié, et père de quatre filles où ses enfants ont grandi et fait une grande partie de leurs études. Après des études à Cherbourg, François Lecointre a étudié à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr de 1984 à 1987, puis à l’École de l’infanterie de 1987 à 1988, avant d’incorporer le 3e régiment d’infanterie de marine de 1988 à 1991.
Alors qu’il est commandant de compagnie de combat du 3e régiment d’infanterie de marine à Vannes, le capitaine Lecointre mène l’assaut au corps-à-corps, baïonnette au canon, des deux sections lors de la reprise du pont de Vrbanja à Sarajevo contre les forces armées serbes de Bosnie le 27 mai 1995.
Le général Lecointre était depuis août 2016 chef du cabinet militaire du Premier ministre où il a successivement servi les socialistes Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, puis l’actuel chef du gouvernement de droite, Édouard Philippe. Il a été promu général de corps d’armée le 1er mars dernier.
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