La scène se passe en 1970. Un salon élégant, atmosphère feutrée.
Un jeune homme photographie le portrait posé sur une commode d’un homme en uniforme .
Arrive la propriétaire. Vite, il range son appareil photo …
C’est un journaliste qui vient interviewer Arletty.
Accueil glacial. Les premières questions provoquent la fureur de l’actrice qui tente de chasser l’intrus, lequel s’incruste et habilement, parvient à aborder le sujet sensible des « Lettres ».
Plus de 600 lettres qu’un officier nazi, homme de confiance de Goering à Paris, adressa durant l’Occupation à celle qui était devenue son amante.
Des lettres d’amour écrites en un français parfait, une correspondance enflammée, empreinte de poésie et de sensualité.
Voulant tout savoir de cette relation, le journaliste lit avec elle certaines de ses lettres.
Elle le rabroue, se moque de sa diction, se montre très agacée …
Mais peu à peu, la relation entre les deux personnages évolue, l’atmosphère se détend.
Elle revit son passé amoureux, ses élans, sa passion.
Du dédain, Arletty va passer à l’attention curieuse, qui devient même tendresse.
Lentement, la vieille dame hautaine et railleuse se rapproche du jeune blanc-bec audacieux qui finit par la séduire.
« Je vous déteste de tout mon coeur », s’exclame-t-elle en une litote cornélienne, telle Chimène s’adressant à Rodrigue.
Les 2 acteurs forment un duo brillant qui, de moments drôles en instants émouvants, nous fait vivre intensément l’évolution graduelle de leurs rapports par leur jeu subtil et enjoué.
Arletty, une grande amoureuse passionnée qui, au temps de l’Occupation, fut une actrice au « coeur très – trop ? – occupé » … comme le titre l’auteur de façon narquoise.
Coupable ? Traîtresse ? Ne jugeons pas à nouveau celle qui fut arrêtée par les FFI à la Libération et internée pour collaboration, accusation que connurent beaucoup d’autres artistes français…
Gardons plutôt en mémoire la belle actrice talentueuse d’Hôtel du Nord, du Jour se lève, des Enfants du Paradis, l’artiste à la voix unique, titi parisienne gouailleuse et canaille, qui a marqué tant le cinéma des années 1930-1940 que la chanson d’opérette et le théâtre.
Et restons émus par une jeune femme qui, au coeur de la guerre, vécut ce coup de foudre et cette passion dévorante s’affranchissant de toute frontière.
Auteur: Jean-Luc Voulfow
Mise en scène de: François Nambot
Avec: Béatrice Constantini et François Nambot
Lumières: Jacques Rouveyrollis
Théâtre des Mathurins jusqu’au 28 décembre 2024
Tous les jeudis, vendredis et samedis à 19h.
PS. Ces lettres ont été restituées à Arletty par l’épouse de l’amant allemand vers 1960. Après la mort de la comédienne, un marchand d’autographes les acquière, puis la célèbre collectionneuse suisse, Anne-Marie Springer, les rachète et, en 2008, les publie dans un ouvrage intitulé « Amoureuse et rebelle ».
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