GABRIEL MIHAI
A l’appel de plusieurs organisations, des centaines de personnes se sont réunies dans le calme à Paris contre la « reconduction de l’état d’urgence », « l’instauration d’un état d’urgence permanent » et en faveur des droits et des libertés.
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Paris le 1er juillet contre la reconduction de l’état d’urgence pour six mois, une mesure qui sera soumise au vote de l’Assemblée nationale le 6 juillet.
Plusieurs syndicats et des organisations avaient appelé à se rendre dans la rue pour contester les dispositions de l’état d’urgence qui, selon eux, menacent les libertés individuelles.
Les manifestants protestaient également contre le projet d’incorporation de certaines des dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun. L’annonce par le gouvernement de cette dernière mesure avait déjà provoqué de vives protestations au début du mois de juin.
La manifestation, qui s’est élancée dans les rues de Paris depuis la place de la République, s’est déroulée sans heurts avec les forces de l’ordre. Arrivés devant le Conseil d’état, quelques activistes ont brûlé symboliquement une chaise d’apparence luxueuse, en référence à l’abolition des privilèges.
Dans ce contexte de chaos, la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence a été mise en application par les décrets n° 2015-1475 et n° 2015-1476 du 14 novembre 2015.
La garantie de l’ordre et de la sécurité publiques des citoyens français semble être devenue l’obsession du gouvernement.
Ainsi, le 22 juin 2017, un projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a été présenté au Conseil des ministres.
Le gouvernement d’Edouard Philippe aspire à consacrer dans notre droit commun une grande majorité des mesures attentatoires relatives à l’état d’urgence.
Quelques jours avant le discours que le président de la République doit prononcer devant le Congrès, lundi 3 juillet à Versailles, une délégation d’associations et de personnalités du réseau » Etat d’urgence/antiterrorisme » a été reçue, vendredi 30 juin, par Emmanuel Macron. Amnesty international, Human Rights Watch ou l’avocat William Bourdon l’ont alerté sur les risques qu’ils voient dans une sixième prorogation de l’état d’urgence – jusqu’au 1er novembre – et surtout dans l’intégration de certaines de ses dispositions dans le droit commun, prévue dans le projet de loi » renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme « .
Selon les participants à cette réunion, le chef de l’Etat a affirmé qu’il s’agirait de » la première et de la dernière loi » antiterroriste. Il n’empêche, les associations dénoncent la reprise de mesures d’exception qui ont » conduit à de nombreux abus au préjudice de personnes en raison de leur pratique religieuse ou de leur engagement militant « .
La sixième prolongation de l’état d’urgence est en cours d’examen au Sénat. Le texte gouvernemental doit être adopté selon une procédure accélérée avant le 15 juillet, date de la fin de l’actuelle période d’état d’urgence.
A l’occasion de l’examen en commission des lois du Sénat, le gouvernement a déposé un amendement réintroduisant l’ » interdiction de séjour « , mesure souvent assimilée à une interdiction de manifester. Il a été adopté mercredi 28 juin. Censurée le 9 juin par le Conseil constitutionnel, cette disposition donne aux préfets le pouvoir d’interdire à une personne de paraître dans » tout ou partie du département « , si elle cherche à » entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics « .
L’interdiction de séjour est dénoncée par ses détracteurs comme un détournement de l’état d’urgence. Elle a essentiellement été déployée pendant le mouvement contre la loi travail, pour empêcher des militants soupçonnés de vouloir commettre des violences de rejoindre les cortèges. Il ne s’agissait donc pas de prévenir un risque d’attentat.
Le rétablissement des contrôles aux frontières et la fermeture administrative facilitée de lieux de culte ont aussi été dénoncés par les opposants à l’état d’urgence.
Jean-Baptiste Eyraud, cofondateur de l’association Droit au logement (DAL), a notamment estimé : « On sent que ce sont des mesures prises pour empêcher les réfugiés de mettre le pied sur le territoire français ».
Selon Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, le projet de loi qui sera débattu au Sénat les 18 et 19 juillet « pollue le droit commun par des mesures d’exception », de surcroît « inutiles », alors que la justice peut déjà incriminer « l’acte préparatoire d’un acte préparatoire » d’un projet terroriste. « Ce n’est rien d’autre qu’un état d’urgence permanent avec quelques garanties de plus », dit-elle.
Même l’Eglise catholique s’en mêle. Elle est préoccupée par la rédaction de l’article 2 du projet de loi, permettant la fermeture de lieux de culte par le préfet « aux fins de prévention » d’actes terroristes. Pour la Conférence des évêques de France, cet article soulève « mille interrogations » et il risque d’altérer « l’esprit de la loi de 1905 » sur la séparation des Eglises et de l’Etat.
L’état d’urgence se définit essentiellement par 5 mesures: création de périmètre de protection, fermeture de lieu de culte, possibilité d’assignation à résidence, surveillance électronique et perquisition administrative.
Ce régime exceptionnel offre un pouvoir considérable aux autorités administratives qui peuvent désormais se passer de l’autorisation au préalable du juge judiciaire pour ordonner des mesures coercitives, ce qui est manifestement contraire à notre Constitution et, en particulier à son article 66 qui prévoit que « l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi »
D’après un rapport de la Fédération internationale des droits de l’Homme, 3.579 perquisitions administratives ont eu lieu entre le 14 novembre 2015 et le 13 mai 2016.
Parmi ces dernières, 557 infractions ont été relevées dont uniquement 31 susceptibles de se rattacher au terrorisme et seulement 6 procédures ouvertes du chef d’association de malfaiteurs avec entreprise terroriste.
L’état d’urgence est donc manifestement utilisé par les autorités administratives pour répondre à d’autres fins et traduit de manière évidente un abus de pouvoir.
PHOTOS: BM / IMPACT EUROPEAN – WPA
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