Embarquement immédiat avec Jeanfi Janssens
C’est avec modestie qu’il a su se faire une place dans le milieu du showbiz et surtout un nom. Jeanfi Janssens, l’ancienne « hôtesse steward » à l’accent du nord à couper au couteau, est devenu un humoriste incontournable dont la sympathie communicative est très appréciée en radio comme en télévision. Merci à Laurent Ruquier d’avoir su repérer son talent. Aujourd’hui, Jeanfi Janssens est le commandant de sa nouvelle vie. Et ça lui réussit. Son spectacle « Décolle » dans lequel il se raconte est un véritable succès. Son plan de vol est du sur-mesure. Pendant 1h50, il caricature avec autodérision des situations vécues à bord dont il s’amuse à livrer des anecdotes fantasques.
Pour un soir, il fait escale au Casino Barrière de Deauville. Avec lui, pas de doute, c’est un vol direct dont les seules turbulences rencontrées seront celles du rire.
INTERVIEW : « J’ai toujours défendu mes racines et revendiqué le milieu d’où je venais »
Journal Impact European : Qu’est-ce qui a fait que vous avez décidé d’arrêter votre métier de steward pour vous lancer sur scène, qui plus est seul ?
Jeanfi Janssens : C’est quelque chose que je n’ai pas vraiment décidé, mais qui s’est davantage imposé à moi comme un hasard. Depuis longtemps, je faisais rire mes collègues et les passagers dans les avions où j’officiais. J’avais une façon de raconter les histoires qui faisait rire les gens. Tout le monde me disait que je devais faire du théâtre, alors qu’à aucun moment, j’avais pensé en faire un métier.
JIE : Mais alors, comment avez-vous sauté le pas ?
JJ : C’est une amie hôtesse de l’air qui m’a inscrit, à mon insu, au « Printemps du rire » à Toulouse. Il y avait 900 candidats au départ. J’ai fini finaliste. C’est là que je me suis dit « Tiens, il se passe quelque chose. Ce que je dis en dehors de l’avion intéresse aussi les gens. » C’est comme ça que j’ai commencé à écrire mes premiers sketches. Je me suis testé sur les petites scènes parisiennes. Puis, j’ai écrit mon one man. Ce sont mes collègues d’Air France qui venaient m’encourager et remplir la salle.
JIE : Redémarrer de zéro était un pari audacieux après avoir passé 20 ans dans une compagnie aérienne. Avez-vous douté ?
JJ : Tout lâcher à quarante ans avec une ancienneté confortable de 20 ans à Air France, était prendre un risque. J’ai eu beaucoup de doute, d’autant que lorsque je me suis lancé, c’était au moment des attentats. Je me suis même demandé s’il ne fallait pas que je retourne dans les avions. J’ai connu la galère, mais elle fait partie du parcours de l’artiste. J’ai eu quelques mois de loyers impayés et quelques Cofidis de débloqués, mais j’étais déterminé. Je voyais qu’il se passait quelque chose avec ce que je racontais. La vérité était dans la salle.
JIE : Aujourd’hui, êtes-vous conscient que c’était la bonne décision à prendre et que si vous aviez su, vous l’auriez prise plus tôt ?
JJ : Je ne sais pas, car il n’y a pas plus aléatoire qu’une carrière artistique. J’ai adoré être dans des avions pendant vingt ans. Arrivé à quarante ans, je pense qu’il fallait qu’il se passe quelque chose. La profession a changé et je vieillis aussi. J’ai vingt ans de décalage horaire dans les pattes, ça commençait à peser. C’est un métier qui use et qui désociabilise beaucoup.
JIE : Vous auriez donc fait autre chose ?
JJ : Je ne me voyais pas juste steward et pousser mon charriot jusqu’à soixante ans. À quarante ans, on se pose des questions. On va à l’essentiel. Donc oui, j’aurai fait autre chose. Il s’avère que cette reconversion s’est plutôt bien passée et qu’elle est un exemple de réinsertion réussie.
JIE : Qu’est-ce qui est le plus difficile dans l’exercice de faire rire ?
JJ : C’est de faire rire (rires) et de sentir son public, car les gens ne ressentent pas la même chose dans les mêmes endroits ou dans les mêmes régions.
JIE : C’est pourquoi vous avez pris le parti pris de vous moquer de vous …
JJ : Mon humour est assez populaire. Je me moque de moi, de ma famille et des situations que j’ai rencontrées. Je n’attaque personne et n’ai pas un humour méchant.
JIE : Qu’est-ce qui ne vous fera jamais rire justement ?
JJ : L’humour noir et sarcastique. J’ai du mal avec l’humour qui se moque des autres ou de situations dramatiques pour faire rire. Par principe, on peut se moquer des autres lorsque l’on arrive à se moquer de soi.
JIE : Comment se sont passés vos débuts ?
JJ : Difficiles puisque l’on ne m’attendait pas. On m’a rejeté. J’étais le steward qui sortait de l’avion pour faire rire.
JIE : Qui vous a donné envie de faire rire ?
Ma mère. Elle a toujours été une leader dans les groupes et dans les soirées. Elle se mettait en scène et se moquait d’elle-même du fait qu’elle ait toujours été plus ou moins forte. C’est elle qui m’a appris l’autodérision.
JIE : Est-ce une forme de thérapie à votre manque de confiance en vous ?
JJ : Par le rire, je suis arrivé à m’intégrer à des groupes, à parler ou à séduire, sans avoir besoin de parler de moi. Mais j’ai toujours des complexes et la peur du vieillissement.
JIE : Que ressentez-vous sur scène ?
JJ : De l’énergie même si j’ai toujours le trac. Avant d’y rentrer, je me dis toujours « Mais qu’est-ce que j’ai fait, on ne m’a pas forcé à être là, pourquoi je me jette dans l’arène alors que l’on ne m’a rien demandé. » Une fois que j’y suis, je communique avec la salle par l’énergie que l’on s’envoie. C’est galvanisant. Ça fait plaisir de voir que l’on fait du bien aux gens.
JIE : Avez-vous un rituel avant d’y monter ?
JJ : J’en ai plusieurs. Ce sont presque des névroses, mais elles me sont nécessaires. J’ai été opéré des cordes vocales il y a deux ans. J’ai gardé le tic des exercices de rééducation que je faisais. Je travaille donc ma voix par de grandes phrases d’articulation. Un quart d’heure avant de rentrer sur scène, je dois me retrouver tout seul dans ma loge. Et il faut que ma boite porte-bonheur de grigris soit avec moi, près de la scène
JIE : Que vous dites-vous, une fois que le rideau s’est baissé ?
JJ : Que je suis content d’avoir donné de moi et que les gens en soient enchantés. J’ai la sensation d’avoir donné du bonheur.
JIE : Dans votre spectacle, c’est vous ou un personnage ?
C’est moi. Je n’ai pas voulu me travestir dans quelqu’un que je n’étais pas pour intégrer à tout prix le showbiz.
JIE : … Un milieu dans lequel il n’est pas facile de se faire une place …
JJ : On m’a laissé de la place. J’ai eu beaucoup de mains tendues dans un milieu fait de rivalités. Des personnes comme Chantal Ladesou, Caroline Diament, Karine Le Marchand et, Laurent Baffie m’ont pris sous leurs ailes et m’ont donné les bons codes.
JIE : Que répondez-vous à ceux qui vous taxent d’être trop popu ?
JJ : Que c’est un compliment.
JIE : Votre spectacle caricature des situations que vous avez vécues à bord de vos vols. Avouez-le, vous en avez un peu rajouté ?
JJ : Les trois quarts sont vraiment inspirés de faits réels. Dans les avions, les gens sont surprenants. Lorsqu’ils sont dans un milieu qu’ils ne maîtrisent pas, ça donne lieu à des situations détonantes. On est en vase clos avec un panel de la société enfermé dans une boite pendant un certain nombre d’heures.
JIE : Indirectement et malgré la façon dont vous la présenter, vous faites un hommage à votre mère…
JJ : Ma mère, c’est la muse. J’ai voulu m’être en exergue le milieu d’où je venais, mon Nord natal, avec le milieu dans lequel j’ai évolué, une compagnie aérienne, Air France avec les codes du luxe à la Française.
JIE : Seriez-vous indirectement en train de vous excuser d’avoir été steward ?
JJ : En fait, on ne m’attendait pas là. C’est un hasard de la vie qui m’a amené à l’avion. Je me disais « Qu’est-ce que je fais faire ? » et d’entendre « Steward, c’est pas mal ». Delà, je suis partie faire une formation pour intégrer Air France. Pour mes parents, c’était une fierté. Moi qui venais d’un milieu ouvrier, je devenais fonctionnaire.
JIE : Par votre accent, vous portez justement haut et fort vos origines du nord. Une fierté ?
JJ : J’ai toujours défendu mes racines et revendiqué le milieu d’où je venais. Dans l’avion, mon accent m’a toujours servi. Il était moins formel de ce que les gens avaient l’habitude d’entendre. Il me rendait authentique et atypique.
JIE : Sur scène, vous parler ouvertement de votre homosexualité. C’était important de le faire ?
JJ : Je ne souhaite pas particulièrement délivrer un message. C’est une donnée qu’il fallait que j’évoque pour que les gens comprennent mieux le spectacle et l’annonce de mon coming-out dans ma famille. Il y a vingt-cinq ans, c’était moins facile encore à avouer, surtout dans le milieu rural. Je voulais juste assumer qui j’étais. Il semblerait que j’ai permis à d’autres de le faire. J’en suis flatté et content.
JIE : Quand on joue depuis trois ans le même spectacle, l’énergie est-elle toujours la même ?
JJ : Oui, l’envie est toujours la même parce que le public est différent et que j’en suis à la neuvième version. C’est un spectacle vivant. Il y a donc des choses qui changent, que j’ai envie de rajouter en fonction de mes expériences ou que je fais correspondre à l’actualité. Il y a trois ans, le spectacle faisait 1h05 contre 1h50 aujourd’hui. Il est vraiment étoffé.
JIE : Quel plus beau final que de jouer pour la dernière fois à l’Olympia ?
JJ : Ce sera en janvier 2020 en effet. Ça a un vrai sens pour moi. Je voulais que mes parents voient ça et que ma mère puisse poser une de mes lettres sur la façade.
JIE : Mais alors, quid de votre prochain spectacle ?
JJ : Je suis en pleine écriture. Il parlera encore de ma vie. Après les avions, il traitera de mon arrivée dans le showbiz.
JIE : Quelle différence y a-t-il de jouer en province et à Paris ?
JJ : À Paris, les gens ont la possibilité de tout voir. Ils sont donc un peu plus blasés. Quand ils sortent, ils se disent : « Est-ce que ça va être marrant ?» alors qu’en province, ils se disent : « Ce soir, on va passer une belle soirée. » C’est cette nuance qui fait la différence.
JIE : Hors scène, qui est Janfi Janssens ?
JJ : Le même que sur scène. J’aime les amis, les sorties, être entouré et rire.
JIE : Que peut-on vous souhaiter ?
JJ : Que la fulgurance d’hier ne soit pas le rechute de demain. Donc, que tout ça dure, avec la même énergie et que je continue d’apporter autant de sincérité et de bonheur aux gens.
Jeanfi Janssens dans « Décolle », le samedi 26 octobre à 21h00 au théâtre du casino Barrière Deauville (2, rue Edmond Blanc – 14800 Deauville) – Réservations : 02 31 14 31 14 – www.casino-deauville.com
Bande annonce : https://www.dropbox.com/sh/7v7dfm3nlghe644/AAAUH_JVeFE-INCYfkpyfGf1a/Bande%20annonce.mp4?dl=0
Visuel : (C) Pascalito et William Let
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