Le chef de l’État s’est exprimé, jeudi 25 avril depuis l’Élysée.
Emmanuel Macron a tenté d’apporter des réponses aux «justes revendications» portées par les «gilets jaunes» et reconnu sa part de responsabilité dans leur colère. Mais devant la presse, le président français a prévenu qu’il maintiendrait le cap de ses réformes.
Le président de la République a pris la parole, ce jeudi 25 avril, lors d’une conférence de presse face à des journalistes.
Que s’est-il passé au fond depuis le mois d’octobre dernier dans notre pays ? Un mouvement inédit, le mouvement des gilets jaunes qui a dit sa colère, son inquiétude, qui a dit aussi son impatience que les choses changent plus vite, plus radicalement et que le peuple français puisse avoir sa part de progrès dans un monde incertain et où il faut bien le dire, il a eu le sentiment durant plusieurs années de plutôt subir des reculs. Ce mouvement s’est ensuite progressivement transformé, tiraillé entre les injonctions contradictoires, la démocratie absolue et permanente d’un côté ou la fascination autoritaire de l’autre, le plus de services publics, tout à fait légitime, et le moins d’impôts, tout aussi légitime mais difficilement compatibles. Et ce mouvement a ensuite été récupéré, nous l’avons tous vu, par les violences de la société : l’antisémitisme, l’homophobie, les attaques contre les institutions, les journalistes parfois, les forces de l’ordre. Aujourd’hui, l’ordre public doit revenir avant tout et avec lui l’indispensable concorde. Mais je ne veux pas que les dérives de quelques-uns occultent les justes revendications portées à l’origine de ce mouvement et profondément soutenues.
Alors qu’a dit ce mouvement et qu’est-ce que j’ai saisi de ce Grand débat ? D’abord, on l’a tous entendu, un profond sentiment d’injustice : injustice fiscale, injustice territoriale, injustice sociale. Ce sentiment est là, il est installé, il faut lui apporter une réponse. Ensuite un sentiment de manque de considération : beaucoup de nos concitoyens qui ne se sentent pas respectés dans leur quotidien, dans ce qu’ils vivent par nos institutions, parfois notre organisation collective, nos manières de décider, de faire ; un manque de confiance aussi dans les élites, toutes les élites, votre serviteur au premier chef mais l’ensemble de ceux qui sont élus, exercent des responsabilités, représentent, parfois même cherchent à décrypter l’actualité.
Nous vivons dans une société avec des politiques publiques qui ont largement été pensées au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. La famille a changé, la manière de travailler a changé, nos organisations ont changé et nous ne l’avons pas totalement vu. On a découvert, il faut bien le dire avec beaucoup d’humilité durant ce mouvement, ce qu’on appelle aujourd’hui les familles monoparentales, la plupart du temps ces femmes seules qui élèvent leurs enfants et travaillent. Très peu de choses sont faites dans la société pour elles, pour ne pas dire rien. On a vu s’exprimer les enfants victimes de harcèlement à l’école, les personnes vivant en situation de handicap qui ont dit aussi tout ce que la société avait de béances, celles et ceux qui travaillent dans les grandes villes où on a créé l’essentiel des emplois ces 20 dernières années mais n’ont pas les moyens d’y vivre et habitent parfois à trois-quarts d’heure ou une heure de route sans qu’il y ait de transport collectif. On n’avait pas non plus conçu de politique publique pour eux et donc il y a comme des plis de la société qui se sont en quelque sorte révélés, des angles morts, ces vies un peu oubliées de nos politiques publiques, de beaucoup de nos discours qui ont dit “moi je participe, je travaille, je vis mal malgré ce travail et je veux non seulement qu’on me reconnaisse mais qu’on apporte des solutions concrètes à ma vie.” Et évidemment je n’oublie pas parmi ces quelques portraits chinois que je viens de brosser les retraités modestes dont j’ai un moment cru moi-même que leurs protestations n’étaient pas totalement légitimes – “vous me parlez de la CSG, regardez c’est quelques euros par mois” – mais qui vivent aujourd’hui avec l’angoisse de parfois devoir aider les générations suivantes qui ne s’en sortent pas totalement, de devoir subvenir aux besoins de leurs propres aînés qui vivent encore et sont en dépendance et qui voient devant eux ce que va coûter la maison de retraite, l’EHPAD, entre 1800 et 2000 euros par mois là où leur retraite est à 1300 euros, et qu’ils ont travaillé toute leur vie. Ces cas concrets se sont dits à nous, se sont exprimés et ont nourri ce sentiment d’abandon. Enfin c’est la peur des grands changements : le climat avec son urgence mais aussi son lot d’inquiétudes parce qu’il faut changer des habitudes prises pour se déplacer, produire ; l’immigration ; le numérique ; le déclassement social ; le vieillissement que je viens rapidement d’évoquer.
La première orientation c’est de changer, beaucoup plus en profondeur et rapidement, notre démocratie, notre organisation, notre administration. Au fond le sentiment de beaucoup de nos concitoyens, c’est comme ça que je l’ai entendu, c’est de dire “vous nous avez demandé des changements à nous mais vous avez très peu changé. Vous vous êtes toujours avec les mêmes organisés de la même manière, on n’a rien vu bouger. Ce n’est pas faux. Alors, sur le plan démocratique, les citoyens veulent être mieux représentés participer davantage, avoir au fond une organisation plus efficace. Là-dessus, on a vu fleurir beaucoup de débats et je veux dire, très franchement, après avoir beaucoup écouté et réfléchi où je me situe. Je crois aux élus. Je crois aux élus de la République parce que l’élu a une légitimité, celle que lui procure l’élection. Si on se met à dire, quand il s’agit des décisions de la cité, la vie d’un citoyen est aussi importante que celle du maire, elle l’est en tant que citoyen mais le maire est allé à l’élection. Il a obtenu une légitimité et donc je pense qu’il faut consolider cette place de nos élus dans la République sinon il n’y a plus de décision possible, plus d’arbitrage qui se forme et au premier chef, les maires qui sont le visage, le quotidien de la République à portée parfois « d’engueulades » si vous m’autorisez cette expression, de remerciements et d’attachement aussi et qui sont essentiels. Je veux conforter leur rôle par un statut digne de ce nom, simplifier les règles qu’ils ont parfois subies lorsque le pouvoir, les responsabilités se sont par trop éloignés sans qu’ils l’aient choisi. Mais la démocratie représentative est aussi essentielle et je ne veux pas que de cette crise, le rôle du Parlement ne soit, en aucun cas, fragilisé. Cependant, nous pouvons l’améliorer. Nous pouvons le rendre plus représentatif avec une part significative de proportionnelle pour que toutes les familles politiques soient représentées, toutes les sensibilités en limitant aussi le nombre de mandats dans le temps. Nous pouvons le rendre plus efficace et je fais confiance aux assemblées pour renforcer leur contrôle indispensable, pour avoir aussi des procédures plus rapides, plus adaptées aux contraintes actuelles et aux attentes de nos concitoyens. L’efficacité, c’est aussi la réduction du nombre de parlementaires, comme je m’y étais engagé et qui est beaucoup revenue dans le débat. Mais nos citoyens veulent participer davantage, au-delà de ce que je viens de dire sur les élus et de notre démocratie représentative, et plusieurs questions ont émergé qu’il faut considérer.
Enfin je souhaite que cette place de nos concitoyens dans notre démocratie ainsi revitalisée puisse aussi se faire par la réforme que nous devons conduire du Conseil économique social et environnemental. Ce Conseil existe depuis la Constitution de 1958 c’est une présence qui a des antériorités pour représenter la société civile. Nous en réduirons le nombre mais à côté des grandes forces vives économiques sociales associatives qui y sont présentes et qui portent les grands sujets. Je souhaite que l’on puisse avoir des citoyens tirés au sort qui viennent compléter cette assemblée et qui ainsi permettra à celle-ci de représenter pleinement la société dans toute sa diversité et sa vitalité. Et je souhaite que ce conseil de la participation citoyenne ainsi refondé puisse reprendre l’ensemble des compétences de consultation qui sont émiettées entre plusieurs comités parfois devant lesquels nos lois doivent passer qui sont souvent peu clairs pour nos concitoyens qui créent beaucoup de complexité administrative. Je propose que cette réforme constitutionnelle ainsi simplifiée, clarifiée, repensée puisse être soumise par le gouvernement au Parlement à l’été. Je fais confiance à l’Assemblée nationale au Sénat pour qu’elle puisse dans les meilleurs délais prospérer et être pleinement effective. Mais sans attendre, dès le mois de juin nous tirons au sort 150 citoyens pour constituer ce début de conseil de la participation citoyenne. Ce sera organisé au CESE actuel avant sa réforme et nous commencerons à innover avec ce nouveau travail qui je crois répond aux aspirations profondes et permet de mobiliser l’intelligence collective de manière différente.
Un moment de vérité, sous haute tension pour Emmanuel Macron, tant sur la forme que sur le fond. En effet, certaines annonces ont déjà fuité dans les médias.
Le chef de l’Etat a écarté le référendum d’initiative citoyenne (RIC) stricto sensu, le vote blanc et le vote obligatoire. Pour répondre aux besoins des citoyens « d’être mieux représentés et « de participer davantage », le président de la République veut introduire « une part significative de proportionnelle »dans les élections législatives (20%), réduire le nombre de parlementaires de 25% à 30% et limiter le nombre de mandats dans le temps.
Concernant la réforme de la haute fonction publique, « je pense qu’il faut supprimer l’ENA » a confirmé Emmanuel Macron, qui a plaidé pour la fin des grands corps de l’Etat. « Nous avons besoin de filières d’excellence, nous n’avons plus besoin de protection à vie » a-t-il justifié. L’avocat Frédéric Thiriez, ex-président de la Ligue de football professionnel, sera mandaté pour réfléchir à cette transformation de la haute fonction publique.
Emmanuel Macron a clamé son intention de réduire « significativement » l’impôt sur le revenu, à hauteur de 5 milliards d’euros. « Il me semble que la meilleure orientation pour répondre aux besoins de justice fiscale n’est pas d’augmenter les impôts de tel ou tel, mais plutôt de baisser les impôts pour un maximum de nos concitoyens, en particulier pour celles et ceux qui travaillent », a-t-il affirmé, en se référant spécifiquement aux classes moyennes.
Le chef de l’État a également défendu la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dès le début de son quinquennat, une mesure souvent critiquée lors du grand débat et lors des manifestations des « gilets jaunes ».
Le chef de l’État est revenu sur la sous-indexation des retraites. Il a annonce la réindexation des retraites de moins de 2.000 euros sur l’inflation à partir du 1er janvier 2020, tout en admettant que « les décisions que nous avons prises à l’automne ont été vues comme injustes, et doivent donc être corrigées », « la retraite minimale » pour une carrière complète soit portée à 1.000 euros, un montant selon lui « significativement supérieur » au minimum vieillesse qu’il a promis de relever à 900 euros l’an prochain.
Confirmant son intention de « supprimer l’ENA », Emmanuel Macron a annoncé qu’il souhaitait mettre fin aux systèmes des « grands corps » de la haute fonction publique, dont les membres sont actuellement selon lui « garantis d’une protection à vie ». Dans le même temps, Édouard Philippe présentera en mai « une profonde réforme de l’administration » destinée à déployer « plus de fonctionnaires sur le terrain », tout en supprimant des postes « en administration centrale ».
Déplorant qu’il n’y ait « plus assez de monde sur le terrain » pour « apporter des solutions », le chef de l’État a notamment annoncé la création dans « chaque canton », d’ici à « la fin du quinquennat », d’un « endroit où l’on puisse trouver une solution aux problèmes », baptisé « France services ». Dans ce cadre, le président s’est dit prêt à « abandonner » l’objectif de 120.000 suppressions de postes de fonctionnaires qu’il avait fixé « si ce n’est pas tenable », demandant au gouvernement de lui « donner son analyse d’ici l’été ».
Emmanuel Macron a souhaité « ne plus avoir d’ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d’hôpitaux, ni d’écoles sans l’accord du maire ». « Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de réorganisations, elles sont parfois indispensables. Ça veut dire qu’il n’y aura plus de disparitions, comme on l’a trop vécu », a-t-il souligné.
Emmanuel Macron a souhaité que les caisses d’allocations familiales (CAF) aient la « prérogative pour prélever les pensions alimentaires familiales » et ainsi aider les familles monoparentales. « Ces fameuses familles monoparentales sont souvent ces mères vivant seules », a souligné le président de la République, estimant qu' »on ne peut pas faire reposer sur des mères l’incivisme de leurs anciens conjoints ».
Le chef de l’État a également évoqué le cas des aidants familiaux. « Nous devons les reconnaître, les nommer, mais aussi dans nos politiques publiques leur bâtir une place pendant la réforme des retraites et leur construire des droits », a-t-il poursuivi.
Pour lutter contre l’évasion fiscale et tenter de répondre au « sentiment d’injustice fiscale », Emmanuel Macron a annoncé avoir confié « à la Cour des Comptes la mission d’évaluer précisément les sommes qui échappent à l’impôt et de proposer des mesures précises. »
Emmanuel Macron veut en outre transformer le Conseil économique, social et environnemental en Conseil de la participation citoyenne avec des citoyens tirés au sort. « Dès le mois de juin », 150 personnes seront ainsi désignées. Leur « première mission » sera de « redessiner toutes les mesures concrètes d’aide aux citoyens sur la transition climatique ». Reconnaissant que les aides au changement de véhicules ou de chaudières étaient souvent « trop complexes », il a souhaité que ce futur conseil tente de les rendre « plus efficaces ». « Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre, soit au vote du Parlement soit à référendum, soit application réglementaire directe », a-t-il promis.
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