« Vous êtes Juif ! Comment, Salomon, vous êtes Juif ? Salomon est Juif ! Oh ! ». Cette réplique culte du film « Rabbi Jacob » s’adapte parfaitement à Jean-François Derec. Il découvre sa judaïté grâce à Christine, une amie qui voulait lui montrer sa poitrine. Il est alors âgé de 10 ans. « Juif, gaucher, le zizi coupé en deux, débrouille-toi avec ça à cet âge-là ». Cette révélation le bouleverse. « Ma mère était-elle au courant qu’elle avait mis au monde un enfant juif ? Mais non, ce n’est pas possible. Il est grenoblois ! « Être juif, est-ce une tare, une maladie incurable ? » Et pourtant, Jean-François Derec, malgré les consonnances bretonnes quelque peu clownesques de son nom, est bien un juif polonais. Son vrai patronyme, c’est Dereczynski. Un ashkénaze qui plus est ! Comment aurait-il pu s’en douter ? « Le monde entier est-il au courant ? » Ses parents, rescapés de la shoah, ont tout fait pour le lui cacher et « devenir plus français que les Français en étant de vrais grenoblois et être comme il faut ». Pourtant, leur fort accent qui le gêne tant avec leurs « r » roulés, aurait pu, aurait dû lui faire comprendre. Comme un besoin viscéral, le déraciné qu’il est, a besoin de trouver des réponses à ses questions. IL lui faut savoir qui il est pour se construire. Le fait de ne pas avoir d’oncles, de grands-pères, de cousins et de cousines, le taraude. Il s’en invente. Mais où est donc passé le reste de la famille ? Tiraillé par cette quête, il part en Pologne pour tenter de reconstituer le puzzle de ses origines. Ce voyage n’est pas concluant. Le vide qu’il ressent n’est toujours pas comblé. Les pièces de sa vie ne se sont pas assemblées. Il est juif et pourtant il se considère comme un imposteur. Il ne connait rien à sa religion. Il lui faut pallier cette ignorance abyssale. Et quoi de mieux pour le « juif amateur » que d’apprendre à devenir un « juif professionnel » ? Rites, coutumes, célébrations, maîtrise de l’hébreux, tout y passe. « The king of the kipa » se sent bien. Il a retrouvé ses racines, son appartenance. Les énigmes de sa vie sont comblées. L’explication des siens disparus est trouvée. Sa vie a enfin un sens.
« Le jour où j’ai appris que j’étais juif », un seul en scène délicat, fin et mélancolique sur le ton de la sensibilité, du respect et de la pudeur. Non sans notes d’humour pince-sans-rire et d’autodérision, l’élégant jeu d’écriture pose la réflexion sur le devoir de mémoire, sans jamais être moralisateur. De et avec le talentueux et émouvant Jean-François Derec, adapté de son roman autobiographique. Une interprétation touchante et poignante mise en scène au cordeau et avec simplicité par Georges Lavaudant – Théâtre du Petit Montparnasse (Paris XIVème) – Réservations : 01 43 22 77 74
Visuels : (C) Philippe Hanula
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