GABRIEL MIHAI
Le peuple turc a voté dimanche pour la réforme constitutionnelle. Elle renforce notamment les pouvoirs du président Erdogan.
Voici les principales dispositions de la réforme constitutionnelle voulue par Recep Tayyip Erdogan et approuvées par référendum dimanche en Turquie, selon le gouvernement.
Ce texte prévoit le transfert de l’essentiel du pouvoir exécutif au président Recep Tayyip Erdogan, qui nommera lui-même les ministres. Il désignera également un ou plusieurs vice-présidents. Le poste de Premier ministre, actuellement occupé par Binali Yildirim, disparaîtra.
La réforme constitutionnelle autorise en outre le président à intervenir directement dans le domaine judiciaire. Le chef de l’Etat choisira ainsi directement ou indirectement six membres du Haut conseil des juges et procureurs (HSYK), chargé de nommer et destituer le personnel du système judiciaire. Le Parlement en choisira sept.
Les tribunaux militaires, qui ont par le passé condamné à mort de nombreux officiers et même l’ancien Premier ministre Adnan Menderes après le coup d’Etat de 1960, seront bannis, sauf exception.
Selon la réforme constitutionnelle, l’état d’urgence sera instauré en cas de «soulèvement contre la patrie» ou d’«actions violentes qui mettent la nation (…) en danger de se diviser».
Le président décidera d’imposer ou non l’état d’urgence avant de soumettre la question au Parlement. Celui-ci pourra alors décider de le raccourcir, le prolonger ou d’y mettre fin.
L’état d’urgence ne pourra initialement pas être mis en place pour plus de six mois, puis pourra être prolongé pour une durée maximale de quatre mois à la fois.
Le nombre de députés passera de 550 à 600. L’âge d’éligibilité pour devenir député sera abaissé de 25 à 18 ans. Les élections législatives et présidentielle seront simultanées et se dérouleront tous les cinq ans, contre quatre actuellement.
Le Parlement aura toujours le pouvoir d’élaborer, d’amender ou d’abroger les lois. Il supervisera les actions du président, mais ce dernier pourra promulguer des décrets dans les domaines relevant de la large sphère de ses compétences exécutives.
En revanche, le texte spécifie que le président ne pourra pas promulguer de décret sur des sujets déjà clairement régulés par la loi.
Si le président de la République est accusé ou soupçonné d’avoir commis un délit, le Parlement pourra exiger une enquête, mais devra recueillir une majorité des trois cinquièmes.
Le projet de réforme constitutionnelle fixe au 3 novembre 2019 la date des prochaines élections présidentielle et législatives. Le président sera élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Il ne sera plus obligé de rompre les liens avec son parti.
M. Erdogan, 63 ans, a été élu président en août 2014, après douze ans passés en tant que Premier ministre. Il ne sera pas tenu compte du mandat actuel au moment du passage au nouveau système. En théorie, M. Erdogan pourrait donc rester à la tête du pays jusqu’en 2029. Il serait alors âgé de 75 ans.
C’est ce qui ressort de chiffres de l’agence de presse turque Anadolu, alors que 99,45% des voix avaient été comptés.
Alors que le camp du « oui » semble l’emporter à 51,2% en Turquie même, il obtient en Belgique 77,1%. Seul le Liban, avec 93,9% de « oui », enregistre un score plus élevé. En Belgique, quelque 44.500 bulletins avaient été dépouillés vers 22h00. Plus de trois quarts des voix se sont exprimées pour les modifications constitutionnelles que le président turc Recept Tayyip Erdogan veut mener.
Le « oui » a enregistré des score élevés dans d’autres pays d’Europe: en Autriche (73,2%) et aux Pays-Bas (70,3%), puis en France (65,2%), en Allemagne (63%) et au Danemark (60,6%).
Le camp du « non » l’a emporté ailleurs, notamment en Espagne (86,7%) et au Royaume-Uni (79,1%). L’opposition semble aussi forte aux Etats-Unis et au Canada. Sur 28.000 bulletins dépouillés aux Etats-Unis, plus de 23.000 étaient négatifs (82,9%), et trois quarts des bulletins au Canada exprimaient un « non ». Des chiffres comparables étaient remarqués en Russie (2.400 votes) et en Chine (900 votes).
Dans un discours télévisé, le chef de l’État a salué une « décision historique » du peuple turc et appelé les pays étrangers à « respecter » le résultat du scrutin.
Peu après, il a évoqué la possibilité d’organiser un nouveau référendum, cette fois-ci sur le rétablissement de la peine capitale, une initiative qui sonnerait le glas du processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.
Peu avant l’intervention de M. Erdogan, le premier ministre Binali Yildirim avait lui aussi revendiqué la victoire du Oui dans une allocution au siège du parti islamoconservateur au pouvoir, l’AKP, à Ankara.
Mais les deux principaux partis d’opposition, le CHP et le HDP (prokurde), ont dénoncé des « manipulations » au cours du référendum et annoncé qu’ils feraient appel du résultat.
Les amendements constitutionnels, et particulièrement leur mise en œuvre, seront évalués par l’Union à la lumière des obligations de la Turquie en tant que candidat à l’adhésion à l’Union européenne.
L’UE « prend note des résultats rapportés » à l’issue du référendum organisé dimanche en Turquie et invite les autorités nationales à dégager « un consensus national ». Les changements constitutionnels que la courte victoire du oui (51,2 %) suppose seront « évalués à la lumière des obligations du pays en tant que candidat à l’adhésion à l’UE », indique une déclaration communiquée dimanche soir.
« A la lumière du résultat serré de ce référendum et des implications profondes des amendements constitutionnels, nous appelons aussi les autorités turques à rechercher le consensus national le plus large possible pour leur mise en place », stipule la déclaration, attribuée au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, à la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères Federica Mogherini et le commissaire européen à l’élargissement Johannes Hahn. « Nous encourageons la Turquie à répondre aux inquiétudes du Conseil de l’Europe et à ses recommandations, dont celle sur l’Etat d’urgence », poursuit leur déclaration.
Les représentants de l’UE indiquent encore attendre « l’évaluation de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de son bureau pour les institutions démocratiques et les droits de l’Homme (ODIHR) notamment sur les suspicions d’irrégularités».
« Les amendements constitutionnels, et particulièrement leur mise en œuvre, seront évalués à la lumière des obligations de la Turquie en tant que candidat à l’adhésion à l’Union européenne et en tant que membre du Conseil de l’Europe », insiste encore la déclaration.
More Stories
Paris rend hommage aux victimes du 13-Novembre, neuf ans après
Manifestation Anti-Fourrure du Collectif SIPE
Emmanuel Macron en visite au salon de l’Automobile – Paris 2024