GABRIEL MIHAI
Inspirée par la Finlande, la France pourrait établir un système de contraventions pour les cas de harcèlement sexuel dès l’an prochain. Une idée qui fait beaucoup jaser et soulève d’importantes questions de procédure.
La secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, déposera en 2018 un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Le gouvernement français a lancé lundi une consultation publique sur ce sujet qui comporte quelques volets. Dont cette idée de pouvoir sanctionner plus facilement et plus rapidement des actes de harcèlement sexuel en remettant des constats d’infraction.
« Les ministres de la Justice et de l’Égalité entre les femmes et les hommes envisagent de créer une nouvelle infraction. L' »outrage sexiste » punirait d’une contravention un acte unique et ponctuel de harcèlement de rue », précise Sarah Koenig, doctorante en droit à l’Université de Sherbrooke qui se trouve actuellement en France. « À mon sens, dit-elle, cette infraction semble intéressante en théorie puisqu’elle permettrait d’étendre le spectre protecteur et répressif des infractions genrées et sexistes. »
La France n’est pas pionnière en la matière : depuis le début de l’année dernière, la police finlandaise peut donner des contraventions dans des cas de harcèlement.
Une contravention pour excès de vitesse est facile à établir. La limite est de 40 km/h. Vous la dépassez, vous avez une contravention. Comment définir l’infraction de harcèlement dont les critères sont subjectifs ? La secrétaire d’État française s’est aventurée sur le chemin délicat des exemples, cette semaine. « On sait très bien à quel moment ça devient de l’intimidation », a dit Marlène Schiappa, en entrevue à la radio. Un étranger qui demande à une femme son numéro 17 fois alors qu’il se trouve à 10 ou 20 cm de son visage mérite une contravention, a-t-elle indiqué. « Je pense, à titre personnel, que siffler une femme dans la rue ne relève pas du harcèlement, mais que c’est le cas lorsqu’on la suit dans le métro, a aussi indiqué Marlène Schiappa dans une entrevue publiée lundi dans le journal La Croix. Dans ce cas, le stress, voire l’intimidation, est évident. »
Quant à son application, d’un point de vue pratique, ce ne sera pas si complexe si le contrevenant est pris sur le fait par la police, dit-elle, ou s’il y a des témoins. Dans ce cas, la police aura la déposition de la plaignante et du ou des témoins. Les choses seront plus compliquées pour un incident se déroulant uniquement entre les deux personnes impliquées.
Quoi qu’il en soit, selon Véronique Fortin, avant d’implanter une telle mesure ici, il faudrait d’abord faire des consultations publiques exhaustives et obtenir l’appui des groupes féministes. « Le harcèlement sexuel est un problème de société qui commande des consultations plus larges », dit cette professeure de droit, heureuse que l’on s’intéresse ainsi à la question, mais inquiète des nombreux pièges que peut poser la mise en place de solutions rapides.
Le harcèlement est un problème systémique, estime-t-elle. Et cela commande une diversité d’actions, comme cette idée de donner des contraventions. « Le harcèlement n’est pas nécessairement un crime, dit d’ailleurs Julie Desrosiers. Ça peut l’être, mais ça exige la répétition d’actes. Ça prend une gravité criminelle. » La tolérance zéro, appuyée par des policiers qui peuvent donner des constats d’infraction, envoie un bon message, dit-elle. « Il faut parfois être créatif quand on veut éliminer des problèmes », dit Julie Desrosiers.
« L’efficacité d’une loi relève parfois de son pouvoir symbolique, dit-elle, plus que de son application. »
Depuis les premières révélations sur l’affaire Weinstein, la parole des femmes sur le harcèlement et les agressions sexuelles se libère. Des dénonciations qui divisent. « Il faut mettre les agresseurs face à leurs responsabilités », estime Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes.
« Cela montre que les révélations, qui ont été faites un peu partout, touchent tous les milieux socio-économiques, y compris les milieux politiques, des médias et du cinéma », souligne-t-elle. « On est dans une culture de sexisme dans le pays et c’est aussi la révélation de ce constat ».
Une augmentation des appels qui ressemble à ce que le numéro connaît lors de la campagne de communication à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Depuis plusieurs jours, les appels se multiplient au 3919, le numéro national d’écoute et d’orientation destiné aux femmes victimes de violences. « Toutes les formes de violence ont impacté la plateforme d’écoute », explique Françoise Brié.
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