La police russe a multiplié les enquêtes et les perquisitions visant l’opposant incarcéré Alexeï Navalny et ses proches, a indiqué son équipe mercredi, à quelques jours de nouveaux rassemblements contre le pouvoir.
«On ne laisse pas mon avocat venir, on a brisé ma porte», a crié à la presse par sa fenêtre Ioulia Navalnaïa, l’épouse de l’opposant, dont l’appartement moscovite a fait l’objet d’une descente de police mercredi.
Une perquisition a également eu lieu dans les bureaux de l’organisation de l’opposant, le Fonds de lutte contre la corruption, a indiqué sur Twitter Lioubov Sobol, une de ses proches. Selon le directeur de cette organisation, Ivan Jdanov, deux autres raids de police ont visé un appartement de l’opposant où se trouvait son frère Oleg et l’appartement de la porte-parole d’Alexeï Navalny, Kira Iarmych, condamnée vendredi dernier à neuf jours de prison.
D’après la même source, ces descentes sont intervenues dans le cadre d’une enquête pour violation des «normes sanitaires» en vigueur à cause de l’épidémie de nouveau coronavirus, après les manifestations samedi en Russie à l’appel de l’opposant.
«Il a été établi que les organisateurs et les participants aux manifestations non-autorisées avaient créé une menace de propagation du nouveau coronavirus», a indiqué le ministère de l’Intérieur avant les perquisitions, affirmant que des personnes infectées avaient manifesté à Moscou.
De Berlin à Washington, la Guerre froide s’est réinvitée dans la rhétorique sinon les actes, les Occidentaux dénonçant une « dérive autoritaire » russe et agitant le spectre de nouvelles sanctions contre Moscou.
Un tribunal russe a décidé jeudi de maintenir en détention l’opposant Alexeï Navalny, emprisonné depuis son retour en Russie le 17 janvier, à trois jours de nouvelles manifestations contre le pouvoir prévues dans tout le pays.
« La décision sur le prolongation de la période de détention jusqu’au 15 février reste sans changement », a déclaré le juge Moussa Moussaïev du tribunal de Krasnogorsk, près de Moscou, selon AFP.
Pour autant, le maître du Kremlin ne lâche rien. Alexeï Navalny est en prison depuis son retour en Russie le 17 janvier après cinq mois de convalescence en Allemagne suite à un empoisonnement présumé dont il attribue la responsabilité à Vladimir Poutine.
Alexeï Navalny, qui assistait de son centre de détention à l’audience par visioconférence, a dénoncé une « violation démonstrative de la loi », un « arbitraire » destiné à l’« intimider » et à « intimider tout le monde ».
« Les juges ici ne sont que des esclaves obéissants de ces gens qui ont volé notre pays, qui nous ont volés pendant 20 ans et qui veulent faire taire les personnes comme moi », a-t-il lancé.
Son avocate Olga Mikhaïlova a annoncé aux journalistes qu’elle ferait appel de cette décision, tout en se disant « sans espoirs particuliers ».
Elle a estimé que ces procédures judiciaires visaient à « exclure de la vie politique du pays » son client.
Militant anticorruption et ennemi juré du Kremlin, Alexeï Navalny est la cible de multiples affaires judiciaires depuis son retour en Russie le 17 janvier après des mois de convalescence en Allemagne pour un empoisonnement présumé dont il accuse le président Vladimir Poutine d’être responsable.
Selon son avocate, l’opposant risque notamment « environ deux ans et demi » de prison ferme pour la violation des termes d’une condamnation à trois ans et demi de prison avec sursis infligée en 2014.
Plusieurs de ses proches, dont son frère Oleg et son alliée Lioubov Sobol, ont été placés en détention jeudi pour 48 heures pour « violation des normes sanitaires » au cours de manifestations non autorisées samedi dernier.
Les manifestations appelant à sa libération sont sévèrement réprimées. Et toutes les demandes occidentales d’éclaircissement sur les circonstances de son empoisonnement — par un agent neurotoxique de type Novitchok, selon plusieurs laboratoires européens — demeurent lettre morte.
Que peuvent donc espérer les Occidentaux dans ce énième bras de fer avec Vladimir Poutine, après celui sur l’Ukraine ou l’affaire Skripal, un ex-agent russe empoisonné par le même Novitchok au Royaume-Uni ? Rien ou presque, selon les experts.
Ils entendent bien « faire payer un prix en termes de réputation à la Russie et Poutine », estime François Heisbourg, conseiller spécial à l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres et la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS) à Paris.
«Je suis frappé de voir à quel point un seul homme, M. Navalny, semble inquiéter, voire faire peur au gouvernement russe», a réagi à Washington le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken. «Nous sommes profondément inquiets pour la sécurité de M. Navalny», a-t-il ajouté, estimant qu’il était le porte-parole «de nombreux, nombreux, nombreux Russes, et il faudrait l’écouter plutôt que le museler».
S’il se dit « très inquiet » de la situation en Russie, le nouveau président américain Joe Biden souligne aussi « l’intérêt mutuel » de Moscou et Washington à travailler sur des dossiers comme le traité New Start de désarmement nucléaire.
Les enquêtes en lien avec les manifestations de samedi dernier se multiplient alors que les partisans d’Alexeï Navalny, pourfendeur de la corruption et ennemi juré du Kremlin, ont annoncé de nouveaux rassemblements dimanche.
Le Comité d’enquête russe, chargé des investigations prioritaires, a annoncé mercredi qu’une vingtaine d’enquêtes avaient été ouvertes en lien avec les manifestations, notamment pour appels à des troubles, hooliganisme, violences à l’encontre des policiers ou encore pour incitation de mineurs à commettre des actions illégales.
Au final, les Européens vont dépêcher le représentant de leur diplomatie Josep Borrell début février à Moscou pour « faire passer un message clair » sur les droits de l’homme, avec à la clé de possibles nouvelles sanctions contre des personnalités ou entreprises russes.
Son homologue français Emmanuel Macron, qui a initié dès 2019 une relance du dialogue stratégique avec Moscou, sans grands résultats pour l’heure, fait le même calcul.
Paris a certes reporté sine die la réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et de la Défense prévue en septembre 2020 à cause de l’affaire Navalny. Pour autant, « ce refroidissement n’a pas conduit à couper les liens », souligne une source ministérielle.
Quant à l’Allemagne, en première ligne dans l’affaire Navalny, elle entend bien achever le gazoduc Nord Stream 2 avec la Russie malgré les pressions de Washington, hostile au projet.
« Le gouvernement critique à juste titre l’empoisonnement et l’arrestation arbitraire de l’opposant (numéro un) au Kremlin […] Mais il essaie de mettre le gazoduc dans une réalité parallèle, aux antipodes de ce qui se passe dans la Russie de Vladimir Poutine », relevait le 26 janvier le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung.
Pas de quoi pour autant changer la donne, estime Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs à Moscou.
« Des sanctions c’est désagréable, mais pas nouveau. En plus, cela pousse la Russie à chercher des alternatives économiques, technologiques », dit-il à l’AFP.
« Si cette pression continue, elle ne donnera rien. Elle ne fera qu’ancrer la conviction que l’Occident veut entraver la Russie et qu’il faut tout faire pour riposter sans faillir », oppose-t-il.
Dans un communiqué, la branche du ministère de l’Intérieur dans la capitale russe a indiqué que « les tentatives » de rassemblements non autorisés et « toutes provocations » seront « interrompues immédiatement ».
Elle a également menacé de poursuites judiciaires ceux qui répondront à ces appels.
Dans une mise en garde similaire, la police de la région de Moscou a également demandé aux parents de s’assurer que leurs enfants mineurs ne participeraient pas aux manifestations.
« Même le fait de se trouver à un rassemblement ou un défilé non autorisés peut être considéré comme une violation de la loi », a indiqué cette source.
L’équipe de l’opposant Alexeï Navalny a appelé les Russes à manifester dans tout le pays dimanche, après de premiers rassemblements la fin de semaine dernière qui ont débouché sur plus de 4000 interpellations.
Une vingtaine d’accusations au criminel ont parallèlement été ouvertes, notamment pour appels à des troubles, hooliganisme, violences à l’encontre des policiers et incitation de mineurs à commettre des actions illégales.
À Moscou, sept de ces enquêtes ont été ouvertes, ont indiqué jeudi les autorités. Au moins 110 personnes ont par ailleurs été condamnées à de courtes peines pour des violations administratives.
M. Navalny est lui-même la cible de multiples affaires judiciaires depuis son retour et son emprisonnement en Russie, le 17 janvier, après des mois de convalescence en Allemagne pour un empoisonnement présumé dont il accuse le président Vladimir Poutine d’être responsable.
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