Les liens qui unissent la Pologne à la France sont étroits, à bien des égards, ne serait-ce qu’au regard de l’histoire de nos deux pays. Rappelons l’union célèbre entre Louis XV et Marie Leszczyńska, fille du roi de Pologne, en 1725. Pendant le siècle des Lumières, le français, langue des élites intellectuelles en Europe, a pris une place prépondérante parmi les membres de la haute société polonaise. Même s’il n’a jamais pénétré profondément la société, les relations culturelles demeurent aujourd’hui profondes, à travers de nombreux jumelages, festivals et événements organisés dans les deux pays. Erigée au rang d’idéal, la romance de Frédéric Chopin, pianiste virtuose franco-polonais, et Georges Sand suscite encore un intérêt certain, à notre époque, et contribue à cette attraction réciproque entretenue à l’échelon politique. N’oublions pas non plus que la Pologne n’est ni plus ni moins que le premier partenaire commercial de la France en Europe de l’Est à l’heure à ces lignes sont écrites.
C’est ainsi que, dans le cadre de son budget participatif, Paris s’est lancé en 2018 dans la réhabilitation de la place Jan Karski, dans le 10ème arrondissement. L’inauguration hautement symbolique avait lieu ce lundi 17 févier, après la signature d’un nouveau pacte d’amitié et de collaboration entre les villes de Paris et Varsovie. D’autant plus symbolique que ces deux événements se sont tenus en présence du maire de Varsovie, M. Rafal Trzaskowski. La veille, ce dernier avait également fait le déplacement pour inaugurer la 10ème édition du festival Chopin.
Mais qui est donc Jan Karski ? Pas un Polonais anonyme, cela va sans dire. Il est connu du grand public depuis la diffusion, en 1985, du documentaire-fleuve Shoah, réalisé par Claude Lanzmann. La vie de cet homme est un roman tant elle est riche, complexe et semée d’embûches. D’ailleurs, l’écrivain français Yannick Haenel en a eu l’idée et a reçu le prix Interallié en 2009 pour cet ouvrage.
Aspirant à une carrière diplomatique, il rejoint la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale où il se fait connaître en produisant des rapports sur l’état de son pays. Arrêté par la Gestapo en juin 1940 en Slovaquie, il est vigoureusement torturé, manquant même de se suicider de peur de divulguer des informations stratégiques. Il parvient malgré tout à s’échapper et à s’introduire clandestinement, en 1942, dans le ghetto de Varsovie tout en réalisant la prouesse d’en sortir sain et sauf. Envoyé aux Etats-Unis par le gouvernement polonais en exil, Jan Karski rencontre en 1943 le président Roosevelt qui ne croit pas en son récit glaçant de la destruction du peuple juif. Nul doute que le cours de l’histoire eut été différent si le lanceur d’alerte avait été entendu.
De cette inauguration en présence notamment des élus de la ville de Paris, du maire de Varsovie et de Ewa Junczyk-Ziomecka, présidente de la fondation pour l’éducation Jan Karski, on retiendra notamment l’intervention émouvante de Patrick Klugman, adjoint aux relations internationales et à la francophonie, dont la famille a été décimée dans les camps, qui a insisté sur le caractère exceptionnel du travail de M. Karski et de ce que l’Histoire lui doit en tant que témoin direct des atrocités nazies. On comprend ainsi aisément la nécessité de rendre hommage à cet homme reconnu Juste parmi les Nations par l’état d’Israël en 1982. Cette place inaugurée, avec retenue, dans le plus grand des respects, doit nous rappeler, une fois encore, qu’il ne faut jamais oublier.
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