« Dans sa vie, il faut savoir faire quelque chose de grand ». C’est ce que l’avocat d’affaires Philippe Hervieu se prépare à faire. Ce cavalier émérite, passionné d’histoire qui a dédié une partie de sa maison aux livres (sa collection ne compte pas moins de 10 000 ouvrages) va mettre en sommeil ses activités pendant plusieurs mois pour vivre, le temps de la campagne de Russie, un projet insensé d’envergure qui l’anime depuis longtemps. Rencontre et explications sur cette chevauchée ambitieuse dans son cabinet de la très prestigieuse rue du Faubourg Saint-Honoré du 8ème arrondissement de Paris.
Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir avocat ?
Au départ ? j’étais programmé pour être enseignant. Ma mère le souhaitait parce que l’enseignant c’est celui qui savait. Petit à petit j’ai découvert le droit des affaires, le barreau. J’ai enseigné, mais uniquement dans l’enseignement supérieur. Pendant deux ans, j’ai dispensé des cours de droit constitutionnel en première année et de droit européen en troisième année à la Faculté de Caen.
Quels souvenirs en gardez-vous ?
De très bons. L’une de mes caractéristiques, qui l’est toujours aujourd’hui, était de parler sans aucune note, ce qui avait pour effet d’intriguer les étudiants. Je fais tout à l’instinct.
Quelles sont vos terrains de prédilection ?
Le droit des affaires, le droit des sociétés et le droit à la faillite. Je fais également un peu de correctionnel, lié au droit des affaires.
Avez-vous prêté sermon ?
Compte-tenu de mes diplômes, non. Je suis à la fois diplômé notaire et avocat. J’ai, à l’époque, prêté sermon en tant que notaire, ce qui m’a sans doute dispensé de prêter sermon en tant qu’avocat.
Comment avez-vous vécu votre première plaidoirie ?
Faisant essentiellement du droit des affaires et n’étant à ce titre, pas un avocat au sens judiciaire et traditionnel du terme, je plaide très peu. Quand cela arrive, cela se passe en chambre du conseil, c’est à dire à huit clos.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent devenir avocat ?
De ne pas l’être. On ne peut pas conseiller à un jeune de s’installer comme avocat, sauf s’il est bien relationné à titre personnel et sauf s’il peut intégrer une grosse structure. Nous sommes déjà 30 000 à Paris. 2 ou 3000 de plus par an viennent compléter ce chiffre. La réalité économique du barreau est dure.
Ce n’est donc plus une profession d’avenir ?
En effet. Ce qui est compliqué, ce n’est pas le diplôme, c’est d’avoir des clients. Je suis persuadé qu’à Paris, un tiers des avocats ne gagnent pas le smic. On n’imagine pas la difficulté que les avocats ont à se faire payer, sans parler de la rivalité qui existe entre cabinets.
Vous êtes un passionné d’équitation et de Napoléon. Vous avez un projet fou qui réunit les deux : faire une grande chevauchée équestre de Paris à Moscou. Pourquoi ce projet sachant qu’historiquement, « La Guerre Patriotique » a marqué la défaite de l’Empereur ?
Mon idée d’organiser un rallye équestre reprenant à l’exactitude le parcours emprunté jadis par l’Empereur n’est nullement inspirée par la revanche ou la nostalgie Dans mon esprit cette chevauchée doit être une fête de la paix, de l’Europe, de l’amitié entre les peuples traversés et de l’équitation. Je m’appuie sur cette campagne de Russie pour créer une sorte d’événement autour de l’union entre les différentes nations.
Pour quand votre départ est-il prévu ?
J’aimerai bien le faire en 2020 pour un départ de Saint-Cloud en mai. Nous franchirons le Niémen le même jour que l’Empereur le 24 juin. Notre arrivée est prévue en septembre.
Combien de cavaliers emmenez-vous dans cette chevauchée ?
À peu près 200, ce qui pose de grands problèmes de logistique. Il faut prévoir des chevaux de rechange, de remonte, un vétérinaire, l’hébergement… c’est très lourd.
Le parcours sera-t-il exactement le même que celui empreinté par l’Empereur ?
Exactement le même. Il va durer quatre mois. Nous avons pu reconstituer jour par jour le chemin de Napoléon grâce aux mémoires de Caulaincourt et grâce aux lettres que Napoléon écrivait quotidiennement à Marie-Louise, dans lesquelles il indiquait où il se trouvait. Le problème, c’est que les endroits qu’il mentionne n’existent plus forcément ou ont changé de nom. Grâce à la fondation de Napoléon qui nous a prêté un dictionnaire de concordance entre les anciens et les nouveaux noms des endroits traversés nous avons pu savoir exactement jour par jour où Napoléon était passé. On va donc suivre le chemin, mais pas le calendrier pour des raisons évidentes.
Et pour les chevaux, comment cela va-t-il se passer ?
On peut parcourir 30 à 35km par jour avec un cheval. On ne commettra pas l’erreur que la grande armée à faite, à savoir, ne pas tenir compte du climat. On montera cinq jours par semaine et l’on changera de chevaux en cours de route.
Ferez-vous ce parcours en tenues d’époque ?
Absolument pas. Arriver sur la place rouge dans l’uniforme vert du colonel des chasseurs de la garde, la tenue favorite de l’Empereur, risque d’être relativement mal vu. Nous n’avons pas laissé que de bons souvenirs…
En suivant les traces de l’épopée Napoléonienne (plus de 3000km) que souhaitez-vous prouver ?
Rien. J’ai simplement envie de me faire plaisir en créant et en participant à un événement. Dans sa vie, je pense qu’un jour, il faut faire quelque chose qui n’a pas été fait.
Qu’est-ce que signifie de nos jours être bonapartiste ?
Je ne suis pas bonapartiste. Je suis simplement attaché aux grands hommes qui ont fait notre histoire dont fait partie Napoléon tout comme Charles de Gaulle et le Général Leclerc ; personnalités que l’enseignement devrait continuer à glorifier plutôt qu’à dénigrer.
On sent comme un reproche …
Oui. Le reproche que je fais à l’enseignement est d’oublier que l’on est français.
Que reste-t-il aujourd’hui de l’esprit napoléonien ?
Pour moi, cet esprit est d’un autre temps. Ce qui me fascine chez Napoléon c’est comment quelqu’un en onze ans a pu de simple sous-lieutenant d’artillerie devenir Empereur. Ce qui reste de Napoléon ce sont nos grandes institutions, le code civil, l’université, la Légion d’honneur et le culte des grands hommes. On n’a jamais fait mieux.
Photo : Thierry Stéfanopoulos
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