GABRIEL MIHAI
Le fils de la blogueuse maltaise anti-corruption Daphne Caruana Galizia, tuée lundi par une bombe sous sa voiture, a accusé le gouvernement de complicité dans ce meurtre.
«Vous êtes complices, vous êtes responsables de ça», a lancé sur Facebook à l’adresse des autorités Matthew Caruana Galizia, membre du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).
Il s’en est pris au Premier ministre travailliste Joseph Muscat et à son entourage, les accusant d’avoir rempli le gouvernement, la police et les tribunaux «d’escrocs».
La Commission européenne s’est dite «horrifiée» mardi par la mort de la journaliste d’investigation maltaise Daphné Caruana Galizia, tuée la veille par une bombe sous sa voiture. Elle a exigé que «justice soit faite».
«Nous sommes horrifiés par le fait que la journaliste bien connue et respectée Mme Daphné Caruana Galizia ait perdu la vie hier dans ce qui s’apparente à une attaque ciblée», a déclaré le porte-parole de la Commission Margaritis Schinas lors d’un point presse.
Agée de 53 ans, Caruana Galizia tenait un blog extrêmement populaire dans lequel elle dénonçait sans relâche des affaires de corruption impliquant des responsables politiques de l’île méditerranéenne. Elle était notamment à l’origine d’accusations de corruption qui avaient provoqué des élections anticipées en juin.
«Je n’oublierai jamais comment j’ai couru autour du brasier dans le champ, en essayant d’ouvrir la porte alors que le klaxon sonnait encore (…). J’ai regardé par terre et j’ai vu des morceaux de ma mère partout autour», a raconté Matthew Caruana Galizia.
«Voilà à quoi ressemble une guerre, et il faut que cela se sache (…). Nous sommes un peuple en guerre contre l’État et le crime organisé, qui ne se distinguent plus l’un de l’autre», a-t-il ajouté.
Lundi soir, des milliers de personnes se sont spontanément rassemblées, bougies à la main, à Sliema, près de La Valette, pour une veillée en hommage à l’ancienne journaliste devenue, selon le magazine Politico, «un WikiLeaks entier en une seule femme».
Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a d’ailleurs fait part de son indignation sur Twitter, promettant une récompense de 20 000 euros pour toute information menant à la condamnation des assassins.
Lundi après-midi, M. Muscat avait dénoncé un acte «barbare» et ordonné aux forces de l’ordre de concentrer toutes leurs ressources pour que son ou ses auteurs soient traduits en justice.
La police a déclaré qu’elle avait été tuée par l’explosion d’une bombe sous sa voiture alors qu’elle roulait près du village de Bidnija, dans le nord de Malte.
«Aujourd’hui est une journée noire pour notre démocratie et notre liberté d’expression», a-t-il déclaré. «Je n’aurai de cesse que justice soit faite», a-t-il promis.
Un nouveau rassemblement est prévu mardi devant le tribunal de La Valette, capitale de ce petit pays de 430 000 habitants, pour réclamer «justice pour Daphne».
Mardi matin, la famille de la blogueuse a obtenu que la magistrate qui était de permanence lundi et aurait donc dû diriger l’enquête sur l’assassinat se récuse, dans la mesure où elle avait été plusieurs fois visée par des attaques de la blogueuse.
L’attaque à la voiture piégée n’est pas une nouveauté à Malte: avant Mme Caruana Galizia, l’île avait enregistré cinq explosions de ce type au cours des 13 derniers mois. Trois des victimes avaient été tuées, les deux autres grièvement blessées. Mais jusqu’à présent, il s’agissait de règlements de comptes criminels.
Dans le texte de son blogue, publié une heure avant sa mort, Mme Caruana Galizia s’en était pris une nouvelle fois au chef de cabinet de M. Muscat, Keith Schembri, avant de conclure: «Il y a des escrocs partout où l’on regarde maintenant, la situation est désespérée».
Au printemps, elle avait été à l’origine d’une série de scandales impliquant plusieurs proches de M. Muscat, et en particulier son épouse Michelle, accusée d’avoir ouvert un compte au Panama pour y abriter, entre autres, des pots-de-vin versés par l’Azerbaïdjan.
«Le plus gros mensonge de l’histoire politique maltaise», avait réagi M. Muscat, promettant de démissionner si les faits étaient avérés, mais en maintenant M. Schembri et son ministre de l’énergie, Konrad Mizzi, alors qu’ils détenaient des comptes secrets au Panama.
Fragilisé par les attaques, M. Muscat, ancien journaliste arrivé au pouvoir en 2013, avait convoqué des élections anticipées en juin, alors que Malte assurait la présidence tournante de l’Union européenne.
Son parti travailliste avait remporté une large victoire, que les observateurs avaient attribuée essentiellement en plein essor.
More Stories
Fini la comédie ! Confidences à Dalida
Des jambons au cœur d’une querelle de clocher !
Paris rend hommage aux victimes du 13-Novembre, neuf ans après