Incarnation de l’acteur par excellence, personnage tout autant qu’artiste, Alain Delon, qui aura vécu son art avec une intensité sans égale, est mort à l’âge de 88 ans, selon une déclaration de ses trois enfants à l’Agence France-Presse.
L’acteur français Alain Delon s’est éteint à l’âge de 88 ans, ont annoncé dimanche matin ses trois enfants dans un communiqué commun à l’AFP. « Alain Fabien, Anouchka, Anthony, ainsi que (son chien) Loubo, ont l’immense chagrin d’annoncer le départ de leur père. Il s’est éteint sereinement dans sa maison de Douchy, entouré de ses trois enfants et des siens », affirment-ils d’une même voix dans le communiqué.
Tous, proches ou admirateurs, soulignent aujourd’hui l’incroyable carrière de l’acteur, qui a fait de films comme « Plein soleil » (1960), « Rocco et ses frères » (1960), « Le Guépard » (1963), ou « La piscine » (1969) des chefs d’œuvre aboutis.
Loubo, sentant que son père le quittait, a commencé à alarmer tout le monde est il s’est mis à pleurer, c’est ainsi qu’a été donné le signal qu’Alain Delon allait tirer le rideau sur sa vie et que dans les prochains jours ils partiront ensemble.
Il faut ajouter la part qu’Alain Delon a prise à la conception des films dans lesquels il a joué, pour le meilleur – L’Insoumis (1964), d’Alain Cavalier, Monsieur Klein (1976), de Joseph Losey –, et pour le reste. Mais le travail de l’artiste est passé par le filtre de l’opinion publique. Un spectateur né en 1940 se souviendra de l’éphèbe aux yeux bleus qui paraissait plus souvent qu’à son tour dans les prétoires ; né en 1970, on se rappelle de l’imprécateur qui proclamait aussi bien son amitié pour Jean-Marie Le Pen que son engagement pour la paix en Nouvelle-Calédonie.
Alain Delon est né le 8 novembre 1935 à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine, banlieue prospère où son père tenait un petit cinéma, le Régina, et où sa mère, Edith, d’origine corse, travaillait dans une pharmacie. Quand il a 4 ans, ses parents se séparent, et il se retrouve très vite en pension à Issy-les-Moulineaux. L’acteur a raconté que dans l’un des établissements dont il se faisait régulièrement renvoyer, il avait fait partie de la chorale et que celle-ci avait reçu la visite d’Angelo Roncalli, nonce apostolique et futur pape Jean XXIII, qui avait félicité le jeune soprano Alain Delon.
A 15 ans, le garçon décide de partir pour Chicago en compagnie d’un condisciple, mais les deux garçons sont rattrapés à Châtellerault, dans la Vienne. Placé en apprentissage chez son beau-père, charcutier à Bourg-la-Reine, Alain Delon obtient son certificat d’aptitude professionnelle. Il est suffisamment mécontent de sa condition pour chercher à s’engager. L’aviation ne pouvant l’accepter avant plusieurs mois, il choisit la marine. En janvier 1953, à 17 ans, Alain Delon signe un contrat de trois ans et le prolonge de deux afin de suivre ses camarades fusiliers marins en Indochine, où il est envoyé sur le théâtre des opérations.
De retour en métropole en 1956, il remonte à Paris, où il est tour à tour serveur et fort des Halles, tout en passant ses nuits à Pigalle. Il s’introduit dans les milieux germanopratins, séduit l’actrice Brigitte Auber, se lie d’amitié avec Jean-Claude Brialy, qui le décide à descendre à Cannes, pour l’édition 1957 du Festival.
Alain Delon est repéré par Henry Willson, agent hollywoodien spécialisé dans les beaux gosses (Rock Hudson, Tab Hunter). Willson envoie le jeune homme à Rome, où il passe un bout d’essai devant David O. Selznick, qui lui propose un contrat de sept ans, à condition que le Français apprenne l’anglais.
La presse a remarqué le physique et la présence du garçon, si bien que René Clément se décide à lui offrir le rôle de Ripley dans Plein soleil, qu’il s’apprête à adapter du roman de Patricia Highsmith. Tourné en 1959, aux côtés de Maurice Ronet et Marie Laforêt, Plein soleil est pour Delon un apprentissage. René Clément est un directeur d’acteur d’une précision irréfutable, il mène Delon sur le chemin de la perversion de Tom Ripley, en fait un séducteur vénéneux.
A peine le film est-il sorti à grand fracas, début 1960, que Delon, qui a séduit le comte italien lors de leur première entrevue, entame le tournage de Rocco et ses frères sous la direction de Visconti. Plus encore que celui de Ripley, le rôle de Rocco, l’émigré méridional arrivé à Milan avec sa tribu, est un défi. Delon est doublé, entouré d’une distribution impressionnante (Renato Salvatori, Annie Girardot, Claudia Cardinale), incarnant un personnage de paysan déraciné aux antipodes de son expérience. Il triomphe modestement, à force d’abnégation et d’inventivité.
« Monsieur Klein ou Rocco, le Guépard ou le Samouraï, Alain Delon a incarné des rôles légendaires, et fait rêver le monde », a écrit sur X le président de la République, dimanche 18 août. « Mélancolique, populaire, secret, il était plus qu’une star : un monument français », a ajouté Emmanuel Macron. Suivez en direct les réactions.
« Légende », « monstre sacré »… La classe politique, principalement à droite, salue son « immense vie de cinéma ». « La légende est partie. Alain Delon nous laisse orphelins de l’âge d’or du cinéma français qu’il incarnait si bien. C’est une petite partie de la France que l’on aime qui part avec lui », a réagi sur X Marine Le Pen, triple candidate Rassemblement national à l’élection présidentielle.
L’acteur « restera à jamais aux yeux du monde l’Homme français avec un grand H », a écrit sur X, Eric Ciotti.
« Il laisse pour toujours des chefs-d’œuvre et le souvenir du dernier monstre sacré du cinéma Français », a renchéri le chef des sénateurs LR Bruno Retailleau sur le même réseau social X.
« Il y a des samouraïs qui sont des princes et des acteurs qui sont un plein soleil », a pour sa part salué le ministre démissionnaire de l’Economie Bruno Le Maire.
« C’est un soulagement pour lui, sa maladie était affreuse », réagit l’ancien président du festival de Cannes, Gilles Jacob. « C’était un personnage inouï qui a joué une centaine de rôles différents, mais il arrivait avec ses propres valises, c’est-à-dire avec cette vivacité, cette sobriété, cette classe », a déclaré Gilles Jacob. « Je suis sûr que là où il est, il est mieux », complète cette figure de la Croisette.
« Un prince du cinéma », pour l’ancien ministre de la Culture, Jack Lang. « Nous avions des liens de confiance et d’amitié très étroits », confie l’ancien ministre. Jack Lang admirait l’homme, mais aussi l’artiste, tantôt ovationné, tantôt conspué par un monde du cinéma, parfois « très dur avec lui ». « Nous avions tenu, lorsque j’étais en responsabilité comme ministre de la Culture, à lui rendre un immense hommage à Cannes où il avait été parfois acclamé et plus tard malmené », explique-t-il.
« C’était un type charmant, bienveillant, drôle et à l’écoute », raconte Patrick Chesnais. L’acteur se souvient d’un épisode au Festival de Cannes de 2007, après qu’il a perdu son fils en 2006. Alain Delon l’a « aperçu » dans la rue, puis « il a traversé, m’a pris dans ses bras et m’a serré longuement sans dire un mot « , raconte Patrick Chesnais. « J’étais évidemment très, très ému de cette marque de douceur, de solidarité et d’affection », ajoute-t-il.
Interrogé par France Info, le photographe Jean-Marie Périer, proche de la star, avait du mal à masquer son émotion.« C’est un type qui croyait vraiment à son cinéma », dit-il. « Il a passé sa vie à prouver qu’il était autre chose que beau et a pris beaucoup de risques ».
Après avoir été récompensé à Cannes en mai 2019, Alain Delon, avait transmis à l’AFP une lettre dans laquelle il s’adressait à ses fans : « Au lendemain de cette Palme d’Or d’honneur, l’envie me prend de remercier toutes celles et tous ceux qui m’ont témoigné d’une manière ou d’une autre leur affection et leur sympathie, et plus encore.
Alors que mon voyage touche à sa fin, je veux le dire : j’ai connu tant de passions, tant d’amours, tant de succès et d’échecs, tant de controverses, tant d’esclandres, de ténébreuses affaires, tant de souvenirs, tant de rendez-vous manqués et rencontres impromptues, tant de hauts et de bas ; que lorsque les honneurs ne seront plus que de vains et lointains souvenirs, il est une seule chose qui brillera par sa constance et sa longévité : vous, vous seuls.
A vous qui avez fait ce que je suis, et qui ferez ce que je serai, il me fallait vous le dire.
Je vous dis merci, merci, merci. »
Dans un entretien au « Monde » en 2018, Alain Delon avait ces mots pour se comparer à Jean-Paul Belmondo, l’autre légende à qui la presse l’a longtemps comparé.« Je suis un acteur, Jean-Paul est un comédien. Un comédien joue, il passe des années à apprendre, alors que l’acteur vit. Moi, j’ai toujours vécu mes rôles. Je n’ai jamais joué. Un acteur est un accident. Je suis un accident. Ma vie est un accident. Ma carrière est un accident. »
Elle aussi a envoyé sa réaction à l’AFP. Claudia Cardinale a rendu un dernier hommage émouvant à l’acteur. « Le bal est fini. Tancredi s’en est allé danser avec les étoiles… », évoquant Tancrède, le personnage qu’il interprétait dans « Le Guépard », film culte dont Claudia Cardinale a partagé l’affiche. « On me demande de mettre des mots… mais la tristesse est beaucoup trop intense. Je me joins à la douleur de ses enfants, de ses proches, de ses fans… ».
« Per sempre tua (A toi pour toujours), Angelica », conclut Claudia Cardinale, en signant du nom de son propre personnage dans le film.
Sur Instagram, le fils de l’acteur Jean-Paul Belmondo a posté une photo de son père aux côtés d’Alain Delon, accompagné d’un court message: « Alain , un jour vous m’avez dit que mon père vous manquait, aujourd’hui c’est vous qui allez nous manquer énormément ».
Ce sont les enfants d’Alain Delon qui ont annoncé la mort de l’acteur en envoyant un communiqué à l’AFP. « Alain Fabien, Anouchka, Anthony, ainsi que (son chien) Loubo, ont l’immense chagrin d’annoncer le départ de leur père. Il s’est éteint sereinement dans sa maison de Douchy, entouré de ses trois enfants et des siens », affirment-ils d’une même voix dans ce communiqué.
« L’acteur de « Plein soleil » et du « Samourai » s’en est allé rejoindre (la Vierge) Marie parmi ses étoiles si chères à son coeur. Sa famille vous prie de bien vouloir respecter son intimité, dans ce moment de deuil extrêmement douloureux », poursuivent les trois enfants.
Et ce n’est pas tout à fait anecdotique puisque le destin du chien d’Alain Delon a fait couler de l’encre avant même la mort de l’acteur. La star avait indiqué dans l’émission Thé ou Café que s’il mourait avant son chien, le vétérinaire le piquerait pour qu’ils puissent être enterrés ensemble.
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