Le texte qui ne fait pas l’unanimité : le projet de loi contre le « séparatisme » islamiste. Il a finalement été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale ce mardi. Parmi les mesures : la neutralité du service public ou encore les mariages forcés.
Mis au vote à l’Assemblée nationale ce mardi, le projet de loi contre les séparatismes – désormais intitulé loi confortant le respect des principes républicains – arrive le mois prochain au Sénat. La droite sénatoriale entend aller plus loin et la gauche craint une caricature de débat servant les visées présidentielles du chef de la majorité de droite, Bruno Retailleau.
L’épilogue de deux semaines de denses débats : les députés ont adopté en première lecture le projet de loi confortant les principes républicains, mardi 16 février. Adopté par 347 voix pour, 151 voix contre et 65 abstentions, le texte était soutenu par la majorité mais jugé trop faible, ou hors sujet, par l’opposition. Il sera examiné par le Sénat à partir du 30 mars.
Le projet de loi contient pas moins de 70 articles et a donné lieu à 80 heures de débats en séance et l’adoption de 144 amendements. Il contient des mesures sur la neutralité du service public, la lutte contre la haine en ligne, l’encadrement de l’instruction en famille, mais aussi le contrôle renforcée des associations, une meilleure transparence des cultes et de leur financement, ou encore la lutte contre les certificats de virginité, la polygamie ou les mariages forcés.
Laïcité versus islamisme : la matière était hautement inflammable dans un pays encore endeuillé par de récents attentats djihadistes, dont celui qui a conduit à la décapitation du professeur Samuel Paty à l’automne. Dimanche, près de deux cents personnes ont manifesté à Paris contre le projet de loi accusé de « renforcer les discriminations envers les musulmans ».
Riche de quelque 70 articles, il a donné lieu à quatre-vingts heures de débats en séance et l’adoption de 144 amendements. Il touche à plusieurs libertés fondamentales, comme celles organisant l’enseignement ou les associations et retouche la loi totémique de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.
Concernant l’article 21 sur l’instruction en famille (IEF) – la mesure la plus débattue par les députés – la réforme durcit les règles en passant d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation à la rentrée 2022. Cette autorisation ne pourra être accordée que pour des raisons de santé, handicap, pratique artistique ou sportive, itinérance de la famille, éloignement de l’établissement, et aussi en cas de « situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ». Le texte renforce également l’encadrement des écoles hors contrat, en introduisant notamment un « régime de fermeture administrative » en cas de « dérives ».
A propos de la haine en ligne – ajouté après la décapitation de Samuel Paty en octobre – l’article 18 créé un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée « aux fins de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ». Il sera puni de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende.
Enfin, au sujet des cultes, alors que les lieux de culte musulmans sont, pour des raisons historiques, en majorité sous le régime des associations prévue par la loi de 1901, le projet de loi les incite à s’inscrire sous le régime de 1905, plus transparent sur le plan comptable et financier. Les dons étrangers dépassant 10.000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources.
Bien plus offensif dans les débats, le groupe LFI a, pour sa part, voté contre et pilonné un texte de « stigmatisation des musulmans », globalement hors sujet sur la laïcité. « Il y a (…) un séparatisme scolaire et territorial, mais ce texte ne l’aborde pas », déplore Alexis Corbière.
Les communistes, critiques sur le volet social. « C’est un texte qui dit qu’il faut respecter les principes de la République » : difficile de voter contre, relève leur porte-parole Pierre Dharréville. Mais, ajoute Sébastien Jumel, il manque « un arsenal pour réarmer la République sur sa jambe sociale ».
En annonçant de futures mesures en faveur de l’égalité des chances, l’exécutif paraît avoir réussi à désamorcer les reproches de l’aile gauche du parti présidentiel, qui regrette l’absence de volet social à ce texte promu avant tout comme d’« ordre public ».
Malgré les promesses initiales de divisions, la majorité s’est massivement rangée derrière ce texte. Il n’y a pas eu « de désordre », s’est félicité le chef de file des députés LRM, Christophe Castaner. Cependant, dix « marcheurs » se sont abstenus et un a voté contre, Mustapha Laabid.
Au RN, où l’on a destiné de s’abstenir, Marine Le Pen a fustigé une « reculade politique », critiquant les mesures sur l’instruction à domicile. Dans son contre-projet, la députée du Pas-de-Calais avait notamment appelé à bannir les « idéologies islamistes » et à interdire dans tout l’espace public les « tenues islamistes » comme le voile, une proposition ancienne du RN.
Après l’adoption par les députés en première lecture ce mardi après-midi à l’Assemblée nationale, ce sera au tour du Sénat d’examiner ce projet de loi à partir du 30 mars. Ce dimanche, près de 200 personnes ont manifesté à Paris contre ce texte accusé de « renforcer les discriminations envers les Musulmans ».
La commission des Lois a d’ores et déjà entamé une série d’auditions dans le cadre de l’examen de ce projet de loi qui devrait être débattu à la toute fin du mois mars.
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