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22 novembre 2024

JOURNAL IMPACT EUROPEAN

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Black Dolls

Pour la première fois exposée au Mingei International Museum de San Diego en 2015, la collection de poupées de Deborah Neff a franchi les frontières des Etats-Unis pour l’Europe, particulièrement Paris à la Maison Rouge.

Cette collection rassemble 200 poupées noires en tissu, bois ou cuir  créées par des Afro-Américains anonymes dans les années 1840-1940; elle montre l’histoire culturelle, politique et intime des Noirs Américains, de la maternité et de l’enfance. Toutes les poupées sont des pièces uniques réalisées artisanalement et transmises de génération en génération du sud au nord du pays.

Alors que la poupée représentait le stéréotype blanc, les afroaméricains ont créé une poupée à leur image, plus qu’un modèle européen teinté en noir. Pour eux, il s’agissait d’identifier ces poupées aux enfants noirs en y incluant un enjeu politique depuis le milieu du XIXème siècle. A partir des années 1910, les poupées commencent à être manufacturées marquant ainsi la résistance à l’encontre de l’esclavage, la ségrégation, le racisme au quotidien. Pour certaines d’entres elles, on retrouve les moindres détails, du bouton du gilet au jupon de dentelle. Toutes les classes sociales sont représentées mais aussi toutes les tranches d’âge allant de la simple poupée à la statuette de rituel religieux venu d’Afrique ou bien funéraire.

La collection Déborah Neff, avocate américaine basée dans l’état de New-York  a été constituée au cours des 25 dernières années. Elle représente des poupées entièrement faites à la main et leur couleur noire ou brune en fait une rareté. Conjointement, on peut découvrir 80 photographies représentant des enfants américains avec leurs poupées, objet présent dans toutes les cultures depuis des millénaires en transmettant les valeurs sociales dans lesquelles l’enfant a grandi.

C’est dans une foire d’antiquités à Atlanta que Deborah Neff a découvert il y a plus de 25 ans, sa première poupée noire fabriquée à la main. Aujourd’hui, on compte plus d’un millier de spécimen dans sa collection où on peut également y  découvrir des oeuvres d’artistes contemporains autodidactes ou des productions textiles des mêmes auteurs afroaméricains tels que les quilts-patchworks. Au fur et à mesure de la visite, on décèle la présence du souvenir des femmes africaines américaines qui sont à la base du féminisme noir aux USA et des mouvements abolitionnistes du début du XXème siècle. Malgré cela, il est quasiment impossible de savoir qui sont les auteur-e-s de ces poupées que l’on peut comparer à des miroirs de la société où les enfants les prenaient pour des bébés.

L’exposition reflète la socièté de l’époque où les blancs prenaient des servantes noires et les éloignaient des leurs pour élever leurs enfants; c’est pourquoi certains détails sur ces poupées laissent à penser que ce sont ces mêmes femmes noires qui les ont fabriquées.

Le 27 février au Musée du quai Branly, en présence de Deborah Neff, s’est tenue un colloque international « Black Dolls » avec des intellectuels afro-américains, des anthropologues, des artistes – dont le sculpteur Alex Burke, qui utilise des poupées de tissu coloré – et des curieux. Il a fourni des pistes sur un phénomène peu documenté.

Hélne Joubert, responsable du patrimoine africain du musée a analysé les poupées issues des cultures africaines que les occidentaux considèrent tantôt comme fétiches ou jouets, à mi chemin entre le sacré et le profane.

Patricia Williams, professeure de droit à l’université de Columbia interprète le sens des poupées bicolores à deux têtes, appelées « Topsy Turvy » comme emblématique de la société américaine. Elle rappelle que les jeunes filles noires sont plus précocement sexualisées et considérées moins « innocentes » étant même victimes de fouilles vaginales par la police. Ces poupées à deux têtes réversibles sont très importantes, montrant d’un côté un buste et un visage noir et blancs de l’autre côté, en principe séparés par une jupe. Elles pouvaient représenter pour un enfant blanc, sa mère blanche et sa nourrice noire entre les années 1920 et 1930. Elles sont soit en coton, soit en bois.

L’exposition « Black Dolls » à la Maison Rouge » se termine le 20 mai. Avant Paris elle était à Davenport aux USA en 2017.

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