« C’est une chanson qui nous ressemble, toi tu m’aimais et je t’aimais (…) Mais la vie sépare ceux qui s’aiment, tout doucement sans faire de bruit … » Un refrain devenu aujourd’hui quasi universel dans des vies trop conformistes ou trop stressantes. L’homme n’appartient plus à une seule femme. Il trouve son équilibre dans une fidélité réinventée. Alors, voulu ou subi, l’adultère est une tentatrice machiavélique, une trahison autant salvatrice que dévastatrice. Adjouah Agnini a fait de ce parjure le fil rouge de son histoire autobiographie. Exit le jugement. Elle ne dresse dans son roman qu’un état des lieux de ce qu’est devenue la relation homme/femme aujourd’hui.
Car Adjouah est la maîtresse de Serge, la femme de l’ombre, celle qu’il voit pour réconforter épisodiquement sa libido. Serge, bien évidemment est un homme marié et un bon père de famille. Oui, mais voilà. Son alliance portée n’est plus qu’un statut réconfortant, un miroir aux alouettes de l’homme respectable qu’il interprète au quotidien. Derrière ce joli tableau, l’infidèle n’aime plus sa femme. Sentiments et attirance ont disparu. Et comme bien trop souvent les hommes le sont, Serge est un lâche. Renoncer à cette petite vie bien tracée qu’il a mis tant de temps à construire, pourquoi faire ? Divorcer n’a jamais été à son ordre du jour. Pour s’attirer qui plus est, les foudres et le chantage de sa légitime ? Être dans le déni est tellement plus simple à gérer. En allant chercher du réconfort ailleurs il bénéficie ainsi du beurre et de l’argent du beurre. Et ça, Adjouah l’a bien compris. L’espoir fait vivre certes, mais elle a conscience qu’il ne réchauffe plus son cœur. Que doit-elle faire malgré ses sentiments ? Continuer en vain d’espérer, d’attendre des promesses d’un amour interdit qui ne se réaliseront jamais ? Faire comme ses amies Sabine et Clarisse ? Fermer les yeux ou être comme ces autres femmes qui ne voient dans cette tromperie que des avantages en restant cette éternelle « deuxième », celle que l’on voit en cachette, en huit clos, celle qui apparait en appel masqué et qui ne partage que des miettes de temps égrainées ? Ou, va-t-elle enfin décider de mettre radicalement un terme à ce simulacre, en finir de son rôle de maîtresse ? « Partir ou mourir » ? (NDLR : titre d’une chanson de Dalida). S’armer de courage pour décider douloureusement, mais vitalement, de disparaître afin de renouer avec sa dignité et le chemin de la lumière. Un dilemme qu’elle va solutionner seule en retrouvant son identité et ses origines, chez elle, à Abidjan. Cette ville qu’elle a quitté à l’âge de quinze ans, là où les siens l’attendent, là où elle va pouvoir se reconstruire en se désintoxifiant de cette passion dévorante qui l’avait éloigné d’elle et surtout de ses projets musicaux. Car Adjouah est chanteuse. Parmi les siens, elle revit, reprend goût à la chanson. Et ça marche ! « Akwaba » en est la preuve. Ce titre est un hommage à ses racines, à la femme qu’elle est redevenue ; une femme libérée, une femme libre.
Adjouah Agnini signe avec ce premier roman la problématique de ce qu’est l’infidélité de nos jours. Que signifie-t-elle réellement ? Tromper est-ce trahir l’Autre ? L’adultère n’est-il pas la résultante incontournable pour palier à une routine que les années ont installée confortablement ? Ne permet-il pas de ranimer une flamme éteinte ? Est-il alors possible de pardonner ? Tant de réflexions décryptées au fil des pages dans une approche subtile et bienveillante.
« Akwaba », aux Éditions l’Harmattan – 14,50 euros
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