Samedi 20 mars à Paris, plusieurs milliers de personnes dans la rue pour exiger justice au noms de personnes mortes au cours d’interventions des forces de l’ordre. Les noms des victimes ont été affichés sur les murs de la capitale, peints sur les trottoirs, brandis sur des pancartes, scandés par des milliers de manifestants venus protester contre le racisme et les violences policières. Leurs mots d’ordre : « Stop aux violences policières », « Stop à l’impunité », « Pas de justice, pas de paix ».
Une trentaine de familles de victimes, regroupées en exigeant la justice et la vérité pour les proches: Ali Ziri, Lamine Dieng, Cédric Chouviat, Allan Lambin ou encore Mohamed Gabsi, victimes aux violences policières.
Si ce réseau a officiellement vu le jour en février, la marche est pour sa part organisée chaque année depuis 2011. Instaurée par le collectif Vies volées, elle est toujours adossée à deux journées internationales : celles contre les violences commises par les forces de l’ordre (le 15 mars) et celle pour l’élimination de la discrimination raciale (le 21 mars).
A Paris, le cortège des familles de victimes était suivi par des militants de la Marche des solidarités, du Front contre l’islamophobie, ainsi que de la coordination Stop loi sécurité globale. Plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les rues de la capitale (3 500 selon la préfecture, plus de 5 000 selon les organisateurs), du jardin du Luxembourg à la place de la Bastille, le tout encadré par un important dispositif policier.
C’est la première fois que la famille de Jimony Rousseau participait à cette marche. « Ça donne des forces dans le combat, on se sent entourés », rapporte Moy, le cousin de ce jeune homme de 28 ans, mort début février alors qu’il était détenu à la prison de Meaux (Seine-et-Marne), quelques jours après avoir été « maîtrisé » par des surveillants lors d’un incident. À l’issue de cette empoignade, Jimony Rousseau, en arrêt cardio-vasculaire, avait été admis à l’hôpital. Une enquête a depuis été ouverte pour déterminer l’éventuelle responsabilité de surveillants, et le garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, a saisi l’inspection générale de la justice.
Assa Traoré, devenue l’une des voix importantes de la lutte contre les violences policières depuis la mort de son frère Adama en 2016, a listé les exigences des manifestants, notamment « la fin des contrôles d’identité permanents », « l’interdiction des techniques d’étouffement » et des « armes classées armes de guerre » (LBD et grenades) et la création d’un « organe indépendant » pour enquêter sur les plaintes contre les forces de l’ordre.
Elle a également exigé la « suspension immédiate » des agents mis en cause pour violences ou homicide ainsi que leur « radiation définitive » si une condamnation était prononcée à leur encontre.
Des témoignages de victimes de violences policières ont été diffusés, comme celui de Fatou Dieng, la sœur de Lamine Dieng, mort en 2007 par plaquage ventral, dans un fourgon de police à Paris. « On s’est battus pendant treize ans avant que l’Etat français reconnaisse sa responsabilité et sa culpabilité devant la Cour européenne des droits de l’homme, en indemnisant la famille »…
« On nous a rendu justice, mais c’est une justice amère, car les policiers n’ont pas été condamnés et continuent d’exercer. Ils ne sont jamais punis. Ce qu’on veut, c’est que les forces de l’ordre soient mises en examen et sanctionnées, comme tout le monde », a-t-elle déclaré au micro.
Etaient aussi présents des proches de Claude Jean-Pierre, un sexagénaire décédé à la suite d’un contrôle de gendarmerie en Guadeloupe en novembre 2020. Une information judiciaire a, là aussi, été ouverte. « Le problème, c’est que, malgré une vidéo qui montre les faits, malgré une autopsie qui [fait coïncider] les blessures avec les conditions de l’intervention, il n’y a toujours pas de mise en examen », déplore Christophe, son beau-fils, estimant qu’il existe « un vrai problème au niveau de la justice quand des forces de l’ordre sont impliquées ».
« Ces affaires ne sont pas minoritaires ; celles dont on entend parler ne sont que la partie émergée de l’iceberg, le phénomène est massif », selon Farid El-Yamni, le frère de Wissam El-Yamni, mort en 2012 à Clermont-Ferrand. Selon un recensement du site d’information Bastamag, 26 personnes sont mortes à la suite d’une intervention des forces de l’ordre en 2019, et 29 en 2020. Le site recense 746 décès au cours des quarante-quatre dernières années.
Du côté des blessés, le collectif Les mutilés pour l’exemple compte dans ses rangs une trentaine de personnes ayant perdu un œil, une main, un pied, ou ayant été victimes d’un traumatisme crânien. A l’instar de Vanessa Langard, 35 ans, blessée par un tir de LBD au niveau de l’orbite gauche lors d’une manifestation de « gilets jaunes » sur les Champs-Elysées, à Paris, en décembre 2018. La jeune femme est venue témoigner des conséquences que peuvent causer de telles interventions. « Mon quotidien est meublé par des soins. Mon cerveau a été très abîmé : c’est la raison pour laquelle j’ai des problèmes de mémoire, de concentration, des troubles de la pensée cognitive », raconte cette ancienne décoratrice, qui vit aujourd’hui d’une pension d’invalidité.
Alain Hoffmann non plus ne s’en est pas remis. Lui aussi a reçu un tir de LBD lors d’une manifestation de « gilets jaunes » en décembre 2018. « J’étais sous l’Arc de triomphe, je prenais des photos. On m’a tiré dessus. La carotide était à nu. Le médecin m’a dit qu’à deux millimètres près j’étais mort », raconte cet homme de 56 ans, ancien militaire. A la suite de cet incident, Alain a fait une dépression et a perdu son travail. « Ç’a brisé ma vie. »
Les manifestants dénoncent la restriction des libertés symbolisée notamment par la loi de sécurité globale ou celle contre le séparatisme, au niveau national, Rennes, Bordeaux ou Lyon, Alpes-de-Haute-Provence, etc.
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