La réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania imagine un dispositif entre documentaire et fiction, théâtre et cinéma pour raconter le triste destin d’Olfa et de ses filles, des dommages engendrés par l’enrôlement de deux jeunes filles par Daesh.
Les Filles d’Olfa, en compétition au 76e Festival de Cannes, brouille encore davantage les pistes entre réalité et fiction. Sans humour cette fois, mais avec une intensité émotionnelle qu’on n’est pas près d’oublier.
La fiction commence par la nuit de noce d’Olfa avec un homme machiste et violent, qu’elle va vite remettre à sa place. Femme forte et intelligente, insoumise, elle ne se laisse pas mener par le bout du nez, et saura s’imposer tout en restant dans le cadre des bonnes mœurs et de la morale de la société qui lui tiennent à cœur.
La mère est soutenue par ses quatre filles qui dénoncent par ailleurs les actes délictueux à leur égard, commis par tous ces hommes avec lesquels Olfa a tenté de faire sa vie, jusqu’au « Printemps arabe » de 2011, avec son souffle démocratique, mais qui se retournera contre lui avec l’émergence de groupes extrémistes, comme Daesh, l’Etat Islamiste.
Les deux aînées adhèrent à Daesh, dans leur démarche réactionnaire face à l’esprit démocratique et laïque du « Printemps » qui s’installe. Rahma et Ghofrane, deux personnages rebelles qui adhèrent au port du djihad, ont revêtu le niqab comme signe d’indiscipline et fédérateur pour leur cause.
En 2016, dans ses interviews télévisées d’Olfa Hamrouni, on découvre une mère de famille célibataire dont les deux filles aînées, Rahma et Ghofrane, étaient parties faire le djihad en Libye.
Olfa et ses deux filles cadettes, Eya et Tayssir, encore adolescentes, témoignent en tant que telles et jouent aussi leur propre rôle face à deux actrices professionnelles (Nour Karoui et Ichraq Matar) qui interprètent leurs filles et sœurs disparues. Pour ajouter d’autres couches de complexité au mille-feuille narratif, Olfa, par ailleurs comédienne née, partage également de nombreuses scènes avec la star engagée pour l’incarner (Hend Sabri), et des images d’archives ponctuent le récit, au point que, de manière vertigineuse, on ne sait parfois plus ce qui ressort de la réalité ou de sa recréation.
La dimension purificatoire des Filles d’Olfa est évidente : si la violence des règlements de comptes entre Eya, Tayssir et leur mère laisse pantois, l’aventure artistique les a visiblement rapprochées. Et leur capacité de résilience face à l’adversité force l’admiration.
La disparition de Rahma et Ghofrane, médiatisée à la télévision tunisienne, et le mariage à un imam intégriste, qui gravera dans le marbre leur ralliement à Daesh, sont encore douloureux aujourd’hui pour Olfa et ses cadettes. Un film qui ne devrait pas laisser insensible le jury.
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