Jamet à jamais !
« Me grimer par la voix et la personnalité m’a permis d’attirer l’attention sur moi et de dire aux gens que j’existais. »
C’est un couteau suisse vocal. Chanteurs, comédiens, présentateurs, politiques d’hier à aujourd’hui … ils les imite tous. Dans une dextérité des plus déconcertante, Yann Jamet passe d’une voix à une autre sans fausse note. Mais il ne fait pas que de reproduire ! Au-delà de ses prouesses vocales que l’on peut entendre tous les matins sur MRadio Réveil auprès de David Lantin, son talent de comédien le pousse dans la théâtralisation. Résultat ? Un nouveau spectacle vaudevillesque parlé et chanté dans lequel humour et imitation se mettent au service d’une véritable histoire.
Journal Impact European : Vous seriez en plein burn-out ? Que se passe-t-il donc ?
Yann Jamet : La vie d’imitateur est compliquée. Ça n’a pas l’air comme ça, mais c’est un métier épuisant. C’est ce que je dis au début de mon spectacle. Je me mets dans la peau d’un imitateur qui est en plein burn-out.
JIE : Serait-ce un rôle de composition ?
YJ : Telle est la question … (rires)
JIE : Seriez-vous en train de nous faire comprendre, que vous seriez possédé par les gens que vous imitez ?
YJ : Au bout d’un moment, oui. Dans mon quotidien, lorsque je parle, il m’arrive que l’on me dise que je viens de faire une imitation. À force d’imiter, les personnages finissent par nous rattraper et déteignent sur notre personnalité. C’est ce que je grossis de façon XXL dans le spectacle. Je dis « qu’on est hanté par les gens que l’on imite. On les entend partout, on les voit partout. »
JIE : Qui est Belinda ?
YJ : C’est un personnage sorti tout droit de mon imagination. C’est mon épouse qui est maquilleuse à la télévision. Elle est tourmentée par mes hallucinations et mon burn-out. Elle a disparu. Je vais partir à sa recherche sur les plateaux de télé sur lesquels elle officie et où je vais rencontrer une floppée de gens du showbiz qui vont me mettre sur sa piste.
JIE : Pourquoi ce prénom ?
YJ : Pour le besoin de l’histoire. On en comprend la raison au milieu du spectacle.
JIE : Y aurait-il un rapport avec la chanson de Claude François ?
YJ : Forcément, à son évocation, on pense tout de suite à cette chanson et, dans le cas présent, oui, il y a un rapport avec elle.
JIE : Votre spectacle ouvre aussi la porte à des réflexions sur des scènes du quotidien …
YJ : Celle sur le couple fait partie intégrante du spectacle. Outre l’actualité et la politique qui font partie de mon ADN, je voulais parler de la vie en général dans laquelle les gens peuvent se reconnaître à un certain moment, en évoquant nos amours, nos joies, nos peines, nos emmerdes.
JIE : Ça sent la nostalgie …
YJ : Dans le spectacle on se demande si ce n’était pas mieux avant justement, que ce soit dans les domaines de la politique, de la télévision, de la chanson française. C’est une question qui est dans l’air du temps. La surconsommation s’accélère encore et encore, l’obsolescence est de plus en plus rapide, on passe à autre chose de plus en plus vite, du coup, on regarde de plus en plus dans le rétroviseur, car cela nous rassure, même si la technologie a du bon.
JIE : Vous êtes nombreux aujourd’hui à être sur la bonne « voix ». Qu’est-ce qui vous distingue de vos confrères de la jeune génération comme Marc-Antoine Le Bret, Thierry Garcia, Stan Benett ou encore Erick Baert ?
YJ : Il n’y en a pas tant que ça. Chacun a sa propre identité entre le parler et le chanter. Moi, je suis à la croisée d’un Marc-Antoine Le Bret, imitateur 2.0 qui fait les voix branchées d’aujourd’hui, d’un Laurent Gerra, imitateur chansonnier à l’ancienne avec une écriture assez corrosive sur l’actualité politique et d’un Michael Gregorio, performer à l’américaine qui bluffe les gens avec des voix de chanteurs. Dans mon spectacle, il y a des performances chantées, des imitations à la pointe de l’actualité, le tout avec une écriture à la Thierry Le Luron.
JIE : C’est en cela que Le Figaro vous présente comme « le nouveau Thierry Le Luron » ?
YJ : C’est une grande fierté et même une consécration.
JIE : L’égo ne peut qu’en être flatté …
YJ : Je le confirme. D’être comparé à lui, qui plus est, par un grand journal, c’est un honneur.
JIE : Vous a-t-il inspiré ?
YJ : Bien sûr. Il a été la première star de l’imitation qui avait toutes les casquettes. Celle d’un chanteur extraordinaire, celle d’un super imitateur, celle d’un chansonnier à la plume très incisive qui savait s’entourer de talents tels que Bernard Mabille.
JIE : Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir imitateur ?
YJ : J’ai commencé les imitations avant de découvrir Thierry Le Luron, avec Didier Gustin, Jean Roucas, Patrick Adler, Frédéric Lebon, Pascal Brunner et Laurent Gerra que l’on voyait régulièrement en télé ou que l’entendait en radio. C’est en regardant un hommage fait sur lui, que j’ai découvert Thierry Le Luron. Et là, j’ai pris une claque ! J’avais 18 ans. Ce fut une révélation. Il était théâtral, très à l’aise devant les caméras avec un bagout extraordinaire.
JIE : Qu’est-ce qui vous plait dans l’art d’imiter ?
YJ : Le travail de comédien, même si le personnage existe déjà. Il faut rentrer dans sa peau, se l’approprier pour le reproduire. Imiter est une performance qui demande un travail de mimétisme.
JIE : Un imitateur serait-il un comédien qui s’ignore ?
YJ : Ou un chanteur qui a pris un chemin de traverse.
JIE : En fait, vous aimez être quelqu’un d’autre…
YJ : L’imitation peut être, pour certains, lié à un manque de confiance en soi. On a du mal à trouver notre personnalité, à s’affirmer socialement. Le fait de prendre des déguisements, de mettre des masques, ça nous aide. Me grimer par la voix et la personnalité m’a permis d’attirer l’attention sur moi et de dire aux gens que j’existais.
JIE : Depuis quand en avez-vous fait votre métier ?
YJ : Aux débuts des années 2000. J’en vis réellement depuis 2002/2003.
JIE : C’est Gérard Louvin, qui vous aurait découvert ?
YJ : Il produisait l’émission « Les coups d’humour » qui mettait en avant de nouveaux humoristes. Il a été le premier avec Claude Fournier à avoir un coup de cœur pour moi.
JIE : Combien de voix avez-vous à votre actif ?
YJ : Une centaine.
JIE : Quelle voix vous caractérise le mieux ?
YJ : En ce moment, je m’éclate avec celle de Chantal Ladesou. C’est un personnage populaire, hyper fédérateur qui plait beaucoup. C’est une icône médiatique qui touche un large public. J’aime bien faire aussi celle de Michel Cymes. C’est quelqu’un à qui je ressemble un peu dans la façon d’être, de parler et dans la personnalité. Sinon j’adore imiter Cyril Hanouna.
JIE : Certaines vous donnent-elles plus de difficultés que d’autres ?
YJ : Bien sûr. Certaines voix sont très compliquées à faire parce que leur tessiture ne correspond pas à mes cordes vocales. C’est le cas de Balavoine. J’adorerai pouvoir le faire. J’arrive à le chopper dans ses graves, mais pas lorsqu’il monte dans les octaves. Celle de Gérard Jugnot me pose aussi un problème, car elle bouge beaucoup entre les graves et les aigus.
JIE : La précision est donc le plus difficile lorsque l’on imite ?
YJ : Exactement. C’est de s’approcher du plus près possible de l’original.
JIE : Imiter est une performance. Comment vous entraînez-vous ?
YJ : Aujourd’hui on a un outil très pratique qui s’appelle YouTube. Je visionne toutes les vidéos de la personne tout un après-midi afin de me mettre sa voix en tête. Après, il me faut deux à trois jours d’incubation. Une fois que le travail d’observation a fait son effet, je m’approprie la voix.
JIE : Pour le chansonnier des temps modernes que vous êtes, manier le verbe incisif, la satire et la pertinence sont obligatoirement des fondamentaux ?
YJ : J’aime l’écriture pointue, incisive et percutante qui est celle de l’école des chansonniers. Car, au-delà de la performance vocale, il faut envoyer du lourd. J’ai fait partie de la troupe du théâtre des 2 Ânes. Je la rejoints encore de temps en temps. Et je suis également sociétaire du Don Camilo.
JIE : Qu’est-ce qui inspire justement la pertinence de vos textes ?
YJ : Essentiellement l’actualité et ensuite tout ce qui tourne autour du personnage imité. Pour exemple, j’ai une parodie sur l’un des plus gros titres de Patrick Bruel que je fais depuis un certain temps. Aux vues des accusations portées contre lui ces derniers temps, j’ai dû réactualiser les paroles de la chanson et m’adapter au contexte en rebondissant sur l’info, comme je le fais tous les matins à l’antenne de M Radio.
JIE : Quel est votre plus beau souvenir sur scène ?
YJ : Il y a dix ans, je donnais une représentation à côté de Metz dans une commune jumelée à celle d’Astaffort (Ndlr : dans le département du Lot-et-Garonne). Francis Cabrel était présent. Nous avons déjeuner ensemble. Je suis ensuite monté sur scène et j’ai fini mon spectacle en l’imitant alors qu’il était là, sous mes yeux et que j’avais passé le déjeuner à discuter avec lui. C’était un exercice très sympa.
JIE : Qu’elle a été sa réaction ?
YJ : Il n’a pas été dans la démonstration joyeuse ni dans le rejet. C’est mon régisseur qui m’a fait savoir qu’il s’était reconnu sur une chanson.
JIE : Derrière toutes ses voix, qui est réellement Yann Jamet ?
YJ : Aujourd’hui, je le sais. J’arrive à un âge où j’ai acquis une certaine maturité. Je connais mes qualités, mes défauts, mes atouts, mes faiblesses et ça m’aide beaucoup dans mon métier. Comme la plupart des artistes, je suis quelqu’un de sensible, d’assez simple dans la vie quotidienne, excentrique par certains moments. En fait, je suis un caméléon. J’ai plusieurs facettes qui sont fonction du contexte dans lequel je me trouve.
JIE : Que peut-on vous souhaiter ?
YJ : De continuer à faire ce métier passionnant le plus longtemps possible tout en m’amusant, ce que je vis déjà comme un privilège.
Yann Jamet dans « Recherche Belinda désespérément » – Tous les mercredis à 20h à l’Apollo Théâtre (Paris (XIème) – Réservations : 01 43 38 23 26
Et tous les jours à 8h35 à l’antenne de MRadio Réveil avec David Lantin, Tiffany et Greg.
Visuels : (C) DR et Don Ca Ladesou
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