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23 novembre 2024

JOURNAL IMPACT EUROPEAN

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Le parcours du combattant des intersexes dans le monde entier

Gabriel MIHAI

Faut-il intégrer un «troisième sexe» dans les registres d’état civil dans chaque pays?

En 2016 l’ONU reprend le chiffre de 1,7 % de nouveaux-nés intersexes chaque année, on estime qu’une quarantaine d’enfants naissent chaque année avec des variations du développement sexuel.

L’intersexuation est encore parfois qualifiée d’hermaphrodisme dans le langage courant, mais ce terme ne fait plus consensus: les personnes intersexuées le jugent parfois inadapté et insultant, car il ne reflète pas la réalité biologique de leur condition. L’hermaphrodite est un personnage de la mythologie grecque pourvu des organes sexuels à la fois mâles et femelles, tous deux pleinement fonctionnels, ce qui n’est pas le cas des personnes intersexuées.

Ce terme parfois méconnu regroupe une variété de conditions dans lesquelles un individu peut être né avec une anatomie qui ne correspond pas aux définitions des genres féminin et masculin. Ces personnes sont nées avec ce que l’on appelle des « organes génitaux ambigus » qui ne permettent pas de définir un genre biologique spécifique.

Ce terme concerne également les individus qui sont nés dans un corps féminin mais qui se sentent foncièrement masculins à l’intérieur, ou l’inverse, ou encore une personne qui est née avec une mosaïque génétique, ce qui signifie que certaines de ses cellules ont des chromosomes XX et d’autres des chromosomes XY.

En clair, leurs organes génitaux ne correspondent pas aux catégories «mâle» et «femelle» de la médecine. «Alors, c’est une fille ou un garçon» ?

Ce sujet longtemps tabou émerge peu à peu dans le débat public, il y a deux mois, l’Allemagne annonçait vouloir reconnaître l’existence d’un «troisième sexe», voire supprimer toute inscription du sexe à l’état civil.
Le Luxembourg y réfléchit aussi. En Suisse, aucune discussion n’a été menée sur l’opportunité d’introduire un troisième sexe ou de renoncer à un genre officiel.» Dans un postulat, elle demande d’analyser les conséquences de telles modifications.

L’intersexuation met en jeu la définition même du sexe, et indirectement, celle du genre. Dans la plupart des sociétés, les individus sont répartis en deux catégories, les hommes et les femmes. Le sens commun suppose que cette catégorisation binaire de l’humanité en hommes et en femmes est le reflet d’une réalité naturelle et évidente qui se fonderait sur les observations de la biologie.

L’estimation de la proportion d’individus intersexués à la naissance n’est pas facile, car elle est mesurée par le nombre d’enfants dont l’organisme paraît assez atypique aux médecins pour les amener à corriger leur sexe par des opérations peu après la naissance.

Selon les organisations de défense des droits des intersexués, le nombre de personnes intersexuées dans le monde est plus élevé que ce que ces chiffres laissent voir, car, d’une part, beaucoup de personnes intersexuées ne présentent pas d’ambiguïté sexuelle immédiatement visible à la naissance (et ne sont donc pas diagnostiquées comme intersexuées), d’autre part, beaucoup d’hôpitaux ne procèdent pas à des opérations de réassignation sexuelle, faute de posséder un service approprié. Les organisations d’intersexués dénoncent ces opérations de réassignation comme des violences inacceptables et en réclament l’arrêt, au profit de la mise en place d’une politique non invasive qui n’ait pas recours systématiquement à des opérations de réassignation et laisse à chaque individu la liberté de définir lui-même son identité sexuelle et son identité de genre. Si l’existence même de l’intersexuation semble suffire à remettre en cause le principe de la bipolarité sociale des sexes, les personnes intersexuées elles-mêmes s’identifient parfois sans problème comme hommes ou femmes, d’autres se considèrent comme hors de la bi-catégorisation courante et se définissent comme intersexuées ou intergenres.

Parallèlement, il existe aussi des questions relatives aux droits de l’enfant. Bien que cet état particulier ne fasse souvent courir aucun risque, les bébés intersexes subissent régulièrement des interventions médicales, parfois irréversibles. La décision doit être prise dans l’urgence. Le délai pour annoncer le sexe à l’état civil.

Dans un rapport de 2012, précise que une intervention médicale n’a pas de but curatif, mais vise à assigner un sexe à un individu, les droits de la personnalité de l’enfant nécessitent qu’il consente aux traitements envisagés. Il faudrait donc attendre que l’enfant soit capable de discernement.

L’appartenance à un sexe est un élément fondateur de l’identité. La situation est très cruelle, quoi qu’on fasse. Je ne vois pas comment une loi pourrait changer cela. Par contre, il n’entre pas en matière sur la reconnaissance juridique d’un «troisième sexe». C’est très à la mode d’avoir peur d’être en retard sur tout ce qui se fait ailleurs. Mais à lutter aveuglément contre des risques de discriminations réels ou supposés, on risque d’annihiler l’idée même de différence.

La première action militante à faire connaître les revendications des personnes intersexuées a pris la forme l’heurs d’une manifestation organisée à Boston le 26 octobre 1996 face au congrès annuel de l’American Academy of Pediatrics. Une journée annuelle de sensibilisation aux droits des personnes intersexuées, a été créée par la suite et est célébrée tous les ans à cette date.

Le 1er décembre 2013, le Troisième Forum International Intersexe produit la Déclaration de Malte, qui établit une liste de revendications consensuelles entre 30 organisations intersexes dans le monde, dans le but de « mettre fin aux discriminations contre les personnes intersexes et à assurer le droit à l’intégrité corporelle, à l’autonomie physique, et à l’auto-détermination ».

Une série d’autres rencontres internationales produisent des déclarations qui vont dans le même sens : la Déclaration de Riga en 2014, la Déclaration de Vienne et Darlington en 2017.

La France a été condamnée à trois reprises en 2016 par l’ONU pour ces opérations faites sur des enfants afin de leur attribuer un sexe masculin ou féminin.

Début mars 2017, des sénateurs rendaient public un rapport demandant à ce que soient reconnues et indemnisées les souffrances des personnes intersexes. « Pour certains, les traitements chirurgicaux et/ou hormonaux ont été vécus comme des tortures », soulignait la sénatrice écologiste Corinne Bouchoux, corapporteuse de ce rapport intitulé « Variations du développement sexuel: lever un tabou, lutter contre la stigmatisation et les exclusions ».

Quelques jours plus tard, lors d’une cérémonie à l’Elysée, l’ex président François Hollande estimait que « l’interdiction des opérations chirurgicales subies par des enfants intersexes, de plus en plus largement considérées comme des mutilations », était un « combat à mener ».

Le top model belge Hanne Gaby Odiele – qui est apparue en couverture de Vogue et dans de nombreuses campagnes pour les marques DKNY et Mulberry – a révélé être intersexe. Née avec des testicules internes, ceux-ci lui ont été retirés pendant son enfance à cause de la peur de ses parents de la voir développer un cancer.

Taylor Lianne Chandler, elle aussi une figure intersexe célèbre. Top model, auteure et businesswoman, elle est également l’ex-petite amie du nageur Michael Phelps. Une information qui a été révélée par les médias qui ont également évoqué son intersexualité.

Taylor Lianne Chandler a été diagnostiquée intersexe pendant les premières années de son adolescence, elle a alors été mise sous bloqueurs de testostérone et amplificateurs d’œstrogènes. En voulant financer sa chirurgie corrective, elle a fait chanter un homme, ce qui lui a valu d’être arrêtée et condamnée pour extorsion. Elle a ainsi passé 30 jours dans une prison pour hommes, malgré le fait que son permis de conduire précise qu’elle est de sexe féminin. Trois détenus l’ont violée.

Après cette terrible agression, Taylor Lianne Chandler a partagé son histoire dans plusieurs émissions de télé. Elle a aussi poursuivi la prison où les faits se sont produits et est même parvenue à créer de nouvelles structures, pour former les gardiens de prisons sur la conduite à adopter selon la situation des personnes sur le spectre du genre.

 

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