Un homme a tué à coups de couteau une fonctionnaire de police au commissariat de Rambouillet, dans les Yvelines, vendredi 23 avril, avant d’être abattu par balles par un autre agent, ainsi que l’a annoncé le procureur de la République de Versailles. La victime, âgée de 49 ans, a été égorgée.
Selon une source policière, les faits se sont produits vers 14 h 20 dans le sas du commissariat de cette ville de près de 26 000 habitants, située à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Paris. La fonctionnaire administrative, en arrêt cardiorespiratoire, est morte sur place, en dépit de l’intervention des pompiers.
D’après les premiers éléments recueillis par des témoins sur place, l’agresseur, un homme de nationalité tunisienne en situation régulière, aurait été aperçu en train d’effectuer plusieurs passages devant le commissariat, son téléphone à la main. Il aurait ensuite profité de l’entrée de la victime dans le sas de sécurité à double porte de l’hôtel de police pour s’engouffrer à sa suite et attendre que la porte se referme, verrouillant ainsi le dispositif de contrôle électronique de l’entrée.
Motivations inconnues
L’individu aurait ensuite brandi un couteau, sous les yeux des fonctionnaires installés au poste d’accueil du commissariat, de l’autre côté de la vitre sécurisée du sas, avant de poignarder l’agente administrative. Après avoir déverrouillé la porte du sas, l’un des policiers a ouvert le feu à deux reprises sur l’assaillant. Celui-ci est mort après avoir été touché par les deux tirs du policier.
« Des témoins affirment avoir entendu l’agresseur hurler : “Allahou akbar !” à deux reprises à l’intérieur du sas, mais ils se trouvaient sur la chaussée, à plusieurs mètres de l’endroit », explique également une source sur place. D’après plusieurs sources concordantes, il avait consulté des vidéos de propagande islamiste sur son téléphone juste avant l’attaque.
Le Parquet national antiterroriste (PNAT) s’est saisi des faits et a ouvert une enquête de flagrance des chefs d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs terroriste, confiée conjointement à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Sur place, Jean-François Ricard, patron du PNAT, a par la suite expliqué qu’il s’était saisi de cette affaire pour « le déroulement même des faits – qui comprend des éléments de repérage –, (…) la modalité du crime, la personne [qu’était] la victime, mais aussi [pour] les propos tenus par l’auteur au moment de la réalisation des faits ».
Les investigations ne faisant que commencer, les services d’enquête disposent encore de peu d’éléments pour établir la motivation de l’assaillant, inconnu des services spécialisés.
Si le PNAT s’est saisi, moins de trois heures après les faits, c’est en raison d’un faisceau d’éléments récurrents dans les attaques terroristes commises ces dernières années. Le premier d’entre eux est le mode opératoire : une attaque au couteau. Viennent ensuite d’autres éléments inclinant à envisager l’hypothèse terroriste : la cible (les forces de l’ordre), le jour (le vendredi, jour saint des musulmans, souvent choisi pour les attaques terroristes), ainsi que les récits, non confirmés à ce stade, de témoins assurant avoir entendu l’agresseur crier : « Allahou akbar ! » La saisine du PNAT permet surtout aux services spécialisés, comme la DGSI, de déployer rapidement leurs méthodes d’enquête particulières, notamment en matière d’analyse des outils informatiques utilisés par l’auteur de l’attaque.
Un Tunisien de 36 ans
L’assaillant a été identifié comme étant Jamel G., ressortissant tunisien de 36 ans. Il était inconnu des services de police et des renseignements. Originaire de la région de Sousse, dans l’est de la Tunisie, il était arrivé en France en 2009 et avait bénéficié en 2019 d’une autorisation exceptionnelle de séjour salarié, puis d’une carte de séjour en décembre 2020, valable jusqu’en décembre 2021, selon le PNAT.
En fin de journée, une perquisition était en cours à son domicile, situé « dans un quartier tranquille de Rambouillet », selon une source policière. Trois personnes appartenant à son entourage ont aussi été placées en garde à vue dans la soirée. Une perquisition avait lieu au domicile d’une personne ayant accueilli l’auteur de l’attaque à son arrivée en France en 2009, selon une source proche de l’enquête, confirmant une information du Point.
La victime, âgée de 49 ans et mère de deux enfants mineurs, « travaillait depuis plus de vingt ans au commissariat de Rambouillet », selon une source policière. Prénommée Stéphanie, elle était chargée notamment de la gestion des statistiques relatives aux contraventions. Au moment de son agression, elle venait de s’absenter pour renouveler son disque de stationnement.
Macron : la France ne cédera rien « contre le terrorisme islamiste »
Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et le premier ministre, Jean Castex, sont arrivés sur les lieux du drame vers 16 h 30. Sur Twitter, le chef du gouvernement a rendu hommage à « une héroïne du quotidien », affirmant le soutien de la nation à ses proches.
Lors d’une brève intervention devant les caméras, Jean Castex a répété « à l’ensemble des Français combien [sa] détermination à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes [était] intacte ». Il a tenu à rappeler que le département des Yvelines avait déjà été touché par des attaques contre des fonctionnaires, ravivant le souvenir de « l’odieux attentat de Magnanville, en 2016, et, plus récemment, [de] l’assassinat de Samuel Paty ».
Le président de la République a, lui aussi, rendu hommage sur Twitter à la policière, assurant que « la nation est aux côtés de sa famille, de ses collègues et des forces de l’ordre ». Alors que les motivations de l’assaillant restaient inconnues, Emmanuel Macron a assuré que le gouvernement ne cédera rien « contre le terrorisme islamiste ».
La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, s’est aussi rendue sur place pour condamner l’attaque. « On a voulu frapper un symbole de la France – parce que nos policiers sont le visage de la France – et déstabiliser le pays dans cette ville tranquille », a-t-elle déclaré.
En fin de journée, Gérald Darmanin a demandé aux préfets de « renforcer la vigilance et les mesures de sécurité dans et aux abords des commissariats de police et brigades de gendarmerie, notamment s’agissant des accueils ».
« L’horreur, une fois encore, qui vise et frappe les forces de l’ordre », a réagi le syndicat de police Alliance sur Twitter. Le 3 octobre 2019, dans l’enceinte de la Préfecture de police de Paris, un employé radicalisé avait tué à coups de couteau trois policiers et un agent administratif, avant d’être abattu.
Les premières gardes à vue dans l’entourage de l’assaillant du commissariat de Rambouillet (Yvelines) doivent aider samedi les enquêteurs à dessiner le profil de cet homme, inconnu de la police et du renseignement, qui a tué à coups de couteau une fonctionnaire de police.
L’analyse de ces éléments pourrait éclairer les motivations de Jamel G., son parcours en France depuis son départ de Tunisie, comment il a préparé son acte, si des personnes l’ont aidé ou encouragé dans son projet ainsi que ses éventuels contacts noués en ligne avec des membres de la sphère jihadiste.
Les prochains jours seront aussi ceux des hommages à Stéphanie M., mère de deux filles de 13 et 18 ans, agente administrative du secrétariat au commissariat, depuis 28 ans “sur Rambouillet”, selon une source policière.
Le commissariat est situé dans un quartier résidentiel cossu de cette ville “tranquille, quasi provinciale”, a souligné la maire Véronique Matillon.
Jean Castex, qui s’est rendu vendredi sur place, a fait part de sa “profonde émotion” et d’“un immense respect” pour les policiers, en écrivant sur Twitter: “À nos héroïnes et héros du quotidien qui portent chaque jour avec fierté l’uniforme de la République au péril de leur vie : les Français savent ce qu’ils vous doivent”.
Ce drame survient alors que les forces de police des Yvelines gardent en mémoire le souvenir de l’assassinat d’un couple de fonctionnaires de police, tué à coups de couteau en juin 2016 dans son pavillon de Magnanville, par un homme se revendiquant de l’organisation Etat islamique.
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