Joséphine Baker, première femme de couleur au Panthéon
Vendredi 30 novembre, la star franco-américaine Joséphine Baker est entrée au Panthéon. Elle est la 6ème femme à rejoindre ainsi les 80 célébrités ( 75 hommes et 5 femmes) qui y reposent.
Cette panthéonisation fait suite à celle de Maurice Genevoix le 11 novembre 2020 et de Simone et Antoine Veil le 1er juillet 2018..
A la fin de la cérémonie présidée par le président Emmanuel Macron, le cénotaphe de Josephine Baker a été placé dans le caveau 13 de la crypte où se trouve Maurice Genevoix. 11 des 12 enfants de l’artiste étaient présents ainsi que 2000 personnes (proches et anonymes). Le Prince Albert II de Monaco a fait le déplacement, en souvenir de l’amitié que portait sa mère à l’artiste. Parmi les invités, on a pu voir la Ministre de la culture, Roselyne Bachelot et la chanteuse Line Renaud.
Une cérémonie à la hauteur de l’artiste
Déjà en 2013, Régis Debray plaidait pour l’entrée au Panthéon de Joséphine Baker. Le 21 juillet dernier,
des membres du comité de soutien à la panthéonisation ont rencontré le Président de la République afin d’expliquer pourquoi, l’artiste devait entrer au Panthéon Parmi eux se trouvaient Jennifer Guesdon-Plessis, Laurent Kupferman, le chanteur Laurent Voulzy, le philosophe Pascal Bruckner , mais aussi un des fils de Joséphine Baker, Brian Bouillon-Baker. Ils ont souligné son rôle durant la Seconde Guerre mondiale: Elle faisait passer des renseignements aux services secrets, dissimulés à l’encre sympathique dans des partitions. A la fin de cette rencontre, le Président a pris sa décision: « Joséphine Baker entrera au Panthéon le 30 novembre. »
La voix de Joséphine Baker a accompagné le cortège, reprenant « Me revoilà Paris » dès le début, place Edmond Rostand coin. Des projections devant le Panthéon et des textes lus par la comédienne Séphora Pondi retraçaient les différentes périodes de sa vie. Le mapping vidéo sur la façade du monument évoquait l’artiste libre, la résistante ,la militante des droits civiques, la femme engagée contre l racisme et l’humaniste au château des Milandes.
Le choeur de l’Armée Française a interprété le » Chant des Partisans », rappelant son engagement dans la Résistance. La Musique de l’Air et la voix de la chanteuse ont marqué l’arrivée au Panthéon par la chanson, » J’ai 2 amours ». Après le discours du Président dans la nef du Panthéon, face au cercueil, une minute de silence a été observée. Le choeur de l’Armée Française et la Garde Républicaine ont entonné la Marseillaise, tandis que des enfants ont chanté un de ses titres.
Tous les lieux de sa vie dans le cercueil
Le cercueil qui repose au Panthéon n’est que symbolique puisque la dépouille de l’artiste reste au cimetière marin de Monaco, aux côtés de son dernier mari et d’un de ses enfants., non loin de la Princesse Grace.
Le cercueil qui entre au Panthéon est rempli de la terre de 4 lieux où elle a vécu: St Louis dans le Missouri où elle est née en 1906; la Dordogne où elle a vécu plus de 30 ans; Paris , ville si chère à son coeur et Monaco où elle repose depuis 1975.
Qui était Joséphine Baker?
Sa jeunesse
Freda Joséphine Mac-Donald, dite Joséphine Baker, est née le 3 juin 1906 à St Louis dans le Missouri (USA). Sa mère, Carrie Mac Donald , originaire de Caroline du Sud était moitié noire, moitié indienne Apalachee. Son père, Eddie Carson était métis de colon espagnol et descendant d’esclave. Tous 2 étaient artistes, l’un percussionniste et l’autre chanteuse, comédienne et danseuse dans la région de St Louis au début des années 1900. Ils se produisaient dans des clubs, Après la naissance de son frère, ses parents se séparent; sa;mère se remarie et donne 2 soeurs à Joséphine.
Ses débuts
Ayant des prédispositions pour la danse, elle crée un groupe, « The Angel of God » dans lequel elle chante. L’année suivante, elle rejoint » The Jones Family Band ». Alors qu’elle n’a que 13 ans, elle part sur les routes. Elle se produit au Washington Theater puis à la Nouvelle Orleans et en Pennsylvanie. Elle a épousé un employé des chemins de fer, Willie Baker mais le couple se sépare en 1921. Après avoir été habilleuse de Clara Smith, on lui donne sa chance. En 1925, elle embarque sur un paquebot vers l’Europe et arrive à Paris. Elle a entendu dire qu’on y apprécie beaucoup la musique et la culture noire.
Une carrière à Paris
En octobre 1925, elle ouvre la « Revue Noire » au théâtre des Champs Elysées. Elle y apparaît dans une tenue « très légère ». C’est un véritable succès auprès du tout Paris. C’est aussi l’occasion de faire découvrir le jazz et le Charleston. L’année suivante, elle mène la revue des « Folies Bergères ». et en 1930, elle est au Casino de Paris où elle chante « J’ai 2 amours ».
Elle apparaît ensuite dans 3 films entre 1927 et 1935 dont un où elle donne la réplique à Jean Gabin. Elle retourne aux Etats-Unis mais suite à la discrimination dont elle est victime, renonce à sa citoyenneté américaine et rentre à Paris en 1937 pour s’y installer définitivement. Elle épouse alors Jean Lion et devient citoyenne française.
« Les Français m’ont tout donné. Je suis prête à leur offrir ma vie », , déclare-t-elle . « Elle ne considère pas sa nouvelle nationalité comme un droit, mais avant tout comme un devoir, une conquête de chaque jour.
En 1938, elle devient militante de la Ligue Internationale contre l’Antisémitisme. Officier de l’Armée de l’Air, elle sert comme infirmière dans le cadre des actions organisées par la Croix Rouge.
Durant la seconde guerre mondiale, elle joue un rôle important dans la Résistance contre les nazis, utilisant sa renommée d’artiste. Elle transporte des documents sensibles dans des pays neutres ou des zones occupées alliées, en écrivant à l’encre invisible sur des partitions. Elle donne des concerts sur la Ligne Maginot en soutien au moral des troupes. Dans sa propriété des Milandes, transformée en antenne radio, elle protège des juifs et des résistants. Son engagement est reconnu par le Général de Gaulle qui lui décerne la Croix de Lorraine.
Un nouveau mariage et une nouvelle famille
En 1947, Joséphine Baker épouse le chef d’orchestre Jo Bouillon dans la chapelle de Milandes dans le Périgord. Tous 2 décident d’adopter, l’artiste ne pouvant enfanter. Ils s’installent au château de Milandes puis adoptent 12 enfants d’ethnies différentes. « Ils sont le symbole de la paix. Ensemble, nous formons le Rainbow Tribe », se plaisait-elle à dire.
Suite à des difficultés financières, elle est expulsée des Milandes; elle obtient l’aide de Jean-Claude Brialy et de Brigitte Bardot. En 1969, Françoise Sagan, Anna Magnani et Nathalie Delon participent à un gala pour une levée de fonds. La Princesse Grace l’invite avec ses enfants à Monaco, elle participe au gala sur la Riviera. C’est cette époque que son mari divorce.
Un dernier tour de piste
En 1975, alors âgée de 69 ans, elle décide de remonter sur scène pour un concert à Bobino et une tournée de 6 mois. Le tout Paris était là pour l’applaudir, d »Alain Delon à Line Renaud en passant par Sophia Loren ou Mick Jagger. La Princesse Grace était également présente, tout comme l’actrice Arletty. Le Président Giscard d’Estaing lui rend hommage alors qu’elle est sur scène.
Ce spectacle sera son dernier puisque le lendemain elle ne se réveille pas, victime d’une hémorragie cérébrale. Hospitalisée, sa soeur a refusé l’acharnement thérapeutique.
Une cérémonie religieuse a lieu à l’église de la Madeleine. Des milliers de personnes sont venues lui rendre un dernier hommage. Les Force Libres,, les associations anti-racistes et de nombreuses célébrités sont présentes dans l’assistance.
Aujourd’hui, c’est la Nation qui remercie cette grande Dame pour tout ce qu’elle a fait pour la France. Elle devient la première femme noire et artiste de spectacle vivant à faire son entrée au Panthéon, 46 ans après sa mort en 1975.
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